Durant le deuxième jour du festival Solidays, nous avons interviewé le chanteur français Tété quelques minutes avant son entrée sur la grande scène. Questions-Réponses avec cet artiste très attachant sur son nouvel album Nu Là Bas, sa vie et son goût pour les réseaux sociaux.
Rock’N Concert : De A la faveur de l’Automne à Nu Là-Bas, tu en as parcouru du chemin.
Tété : C’est toujours difficile de résumer dix ans en deux phrases. Depuis cette période, c’est une grosse centaine de dates par an et demi. Beaucoup de voyages au Japon, en Australie, aux États-Unis, qui ont un peu changé ma façon de faire les choses. En partageant avec d’autres musiciens, tu ouvres d’autres portes. En revenant de ça, je me suis posé à la maison, et après avoir beaucoup écrit pour les autres des chansons aux travers desquelles je voulais qu’on sache qui ils étaient, je me suis rendu compte que je ne l’avais jamais fait pour moi. J’ai eu envie d’arrêter de me cacher derrière des tournures de phrases, derrière des personnages aussi. Et après avoir essayé d’avoir des textes plus impressionnistes et plus poétiques sur les deux derniers albums, je voulais revenir à des histoires, et parler de ce dont je n’avais jamais parler.
R’N C : Alors qu’est-ce qu’il raconte cet album ?
Tété : Pour résumer, cet album Nu Là-Bas parle de l’ADN du Cœur. Je crois qu’on a tous un ADN du Cœur. Moi j’ai un père qui est à moitié sénégalais, à moitié guinéen, et une mère qui est de plusieurs endroits de la Caraïbe. Alors comment est-ce qu’on on se définit quand on a autant d’origines différentes ? Je crois que ce qui nous définit c’est les gens qui nous ont aimé, les gens que l’on a aimés, on aura toujours l’idée de la politesse qui nous ont aimé, même si après tu prends du recul par rapport à ça. C’était des thèmes que je n’avais jamais abordés avant, et je me suis surtout rendu compte, en commençant à travailler là-dessus, que ces thèmes universels, je ne voulais pas faire la même chose que d’autres. Le seul intérêt que ça peut avoir, c’est ce qui rentre en résonance avec la vie des autres.
R’N C : Tu parles de tes origines, tu es né à Dakar. Tu y as déjà joué ?
Tété : Oui, j’ai joué une fois à Dakar il y a super longtemps. Mes albums n’étaient pas encore sortis là-bas à l’époque. J’ai fait une tournée en Afrique Centrale, plutôt côté Cameroun, mais c’était donc assez loin de la région.
R’N C : La sortie de Nu Là-Bas s’est accompagnée d’une application Tété. Tu as participé au projet ?
Tété : Oui, je l’ai conçue. En fait je suis un gros geek parce que j’adore ça. Je suis tombé dedans très tard. Adolescent, j’aimais la vidéo, et quand le numérique est arrivé il y a 10-15 ans, on m’a dit d’acheter une caméra pour filmer les endroits où j’allais. C’est à ce moment-là que la technologie a donné des petits ordinateurs qui te permettent de faire toi-même du montage. Donc je commençais à monter, et une fois que j’avais ça, les souvenirs de la tournée, j’avais envie de les partager avec les musiciens qui sont sur la route. Mais à l’époque il n’y avait pas de moyens d’envoyer des vidéos lourdes. C’est à ce moment-là que l’ADSL a explosé. Je me suis retrouvé à chaque fois à des époques où la technologie te donnait les moyens d’être plus immédiat et plus direct. Internet c’est super, mais c’est encore mieux quand ça permet de se parler de vis-à-vis. C’est comme ça que je conçois cette application et tous les réseaux sociaux.
R’N C : Tu es d’ailleurs très actif sur les réseaux sociaux, notamment Twitter.
Tété : Ça nous permet de nous retrouver avec la Team Tété. Par exemple, il y a trois jours j’ai fait un concert de rue, parce que j’ai commencé ce métier comme ça, et là j’ai fait la même chose. On a aussi fait un clip récemment : on avait demandé à la Team Tété qu’ils nous envoient le playback d’une chanson, on a fait un clip à partir de ça. On est allé filmer des séquences dans la rue, on a donné rendez-vous aux gens à travers l’application. Dans cette appli, il y avait une carte et on demandait aux gens de nous rejoindre dans un lieu de Paris. Aujourd’hui, on a tous ces outils-là pour se retrouver. C’est fou de disposer d’outils comme ça, avec un Smartphone, on peut faire tellement de choses. Effectivement, tu peux t’enfermer, jouer à des jeux, te barricader dans une espèce de tour d’ivoire, ou créer du lien et avoir un autre rapport aux choses. Je trouve que je fais un métier très beau, mais souvent quand on est sur scène, on voit les gens d’en haut. Là, quand tu fais un concert de rue, ou quand tu descends dans la fosse lors d’un concert, jouer pour les gens à hauteur d’yeux, c’est vraiment ça l’essence de notre métier. Et si les réseaux sociaux peuvent nous permettre de faire ça, tant mieux.
R’N C : Le festival Solidays, c’est un festival qui te tient vraiment à cœur. As-tu déjà participé à d’autres festivals qui défendaient des causes ?
Tété : C’est arrivé, il y a deux-trois semaines, j’ai participé à la soirée Secours Pop Rocks #2 organisée par Dr Love et Le Secours Populaire, avec Oxmo Puccino et Sarah W Papsun. Je trouve qu’on a tous besoin d’appartenir à quelque chose de plus grand que nous. On fait un métier qui est à la fois un grand plaisir, mais qui tourne beaucoup autour de nous. C’est chouette parfois de se mettre un peu entre parenthèses au profit de quelque chose d’autre, de quelque chose de plus grand. Un chanteur qui participe à ce genre d’événements, ce n’est pas un sursaut de civisme d’un coup. Ce n’est pas comme si d’un seul coup tu te lèves un matin et tu te dis « Ah bah tiens, on est 7 milliards sur Terre ! ». C’est plutôt de te dire que ce que tu essaies de diffuser toute l’année autour de toi, c’est là que ça commence. Cette bienveillance-là, par rapport à l’équipe avec laquelle tu fais la route, par rapport à ta famille… quand t’es parent, ce qui est mon cas maintenant, ça change beaucoup de choses par rapport à ça. C’est juste un prolongement logique de ce que je veux que ma vie soit.
Propos recueillis par Romain Hemelka