Avec leur premier album Kara sorti en janvier 2015 dans l’hexagone, et leur concert à venir au Pop Up du Label le 7 mai prochain, We Are Shining nous apparaissaient comme une réelle nouveauté, une pure curiosité. En promo à Paris le 22 janvier dernier, c’était bien là notre chance de comprendre l’oeuvre mystique et psychédélique de ces anglais qui donne tellement chaud aux ouïes.
On se voyait déjà donner l’interview dans un fish and ships ou dans un pub de l’East London tant la musique de We Are Shining nous transporte dans la capitale britannique. Au lieu de cela, nous avons rencontré Morgan Zarate, second membre du groupe avec Acyde, dans un petit hôtel classieux au cœur de Paris. Échange passionnant avec ce fondu de musique en hoodie, très cool et plein d’humour, qui nous a raconté l’histoire de cette formation pas comme les autres.
On a pu lire dans des interviews plusieurs histoires sur votre rencontre, mais quelle est la vraie version ?
Acyde écrivait à l’époque pour un magazine. Il m’avait interviewé moi et mon groupe. J’ai été épaté par ce mec qui n’était ni musicien, ni producteur, mais qui en connaissait tellement long sur la musique. Je ne l’avais jamais rencontré, mais tombé sur un mordu de musique comme ça, c’était forcément un signe.
Qu’est-ce que vous faisiez tous les deux avant la musique ?
Acyde a bossé dans le marketing. Quand je l’ai rencontré, c’était aussi un rappeur, mais un vrai rappeur UK, « London Style » pas un de ces rappeurs anglais qui veux faire du rap US. J’ai tout de suite été frappé par sa voix. Moi je n’ai jamais eu de job. J’ai toujours produit de la musique. J’ai commencé la batterie à 10-11 ans, j’ai joué dans un groupe de jazz à Londres à 14. J’ai fait le DJ quelques années, mais récemment je suis vraiment revenu à ce que j’aime faire, c’est à dire produire. J’ai 39 ans et la musique est toute ma vie.
On te voit également jouer de la basse dans le clip Hot Love. Tu joues combien d’instruments en fait?
Je joue de tout. Je ne pourrais pas assurer en concert avec tous les instruments, mais dans un studio, je suis avec mon ordinateur, je m’accompagne à la gratte et j’enregistre. Je joue d’autres instruments et je sample. Mes oreilles sont bien meilleures que ce que je peux jouer. Ça me plait d’improviser, de chercher le bon son, car si j’étais performant, mes compo en souffriraient. Acyde aussi joue quelques instruments, mais sa voix est tellement exceptionnelle…
Tu t’es envolé pour Los Angeles pour bosser ? Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté ?
Ouais j’ai vécu à Los Angeles, j’ai produit un disque de Hip Hop, j’ai fait des trucs à la West Coast, j’ai rencontré des gens… C’est drôle parce que j’ai toujours rêvé gamin de bosser dans un grand studio à L.A. avec la crème du Hip Hop, en me disant que la musique là bas était folle. Et je me suis rendu là bas, j’ai vu ce que c’était, mais j’avais envie d’autre chose. Je suis ensuite rentré à Londres fort de cette expérience pour commencer à faire mon truc. Ce que je produis maintenant représente plus ce que je suis que ce que j’ai produit pour ces gens. C’était une très bonne école, j’adore la saoul music et j’adorerais bosser pour D’Angelo, Mary J Blige… c’est ma came, c’est ce que j’aime, mais ça ne signifie pas que c’est ce que je veux faire. Quand je serai assez bon, qui sait…
Kara pourrait etre un endroit ou le prenom d’une femme…
Que signifie le titre de l’album « Kara » ?
C’est une philosophie de l’est. Ça signifie le cercle d’émotions, le cycle infini. On a trouvé le nom de l’album après l’avoir enregistré. En fait, tout est parti d’un morceau qu’Acyde m’a donné et dont j’ai mal lu le titre. Je ne donnerai pas le nom du morceau en question, on risquerait le procès (sourire), mais j’ai compris « Kara ». Puis on a cherché la signification du terme, et le nom existe vraiment. Kara pourrait être un endroit, le prénom d’une femme… à chacun son interprétation. On aimait cette notion de féminité parce qu’on a beaucoup de femmes qui interviennent sur cet album, nous sommes deux mecs, et parce que la musique est assez agressive. On ne s’est pas posé vraiment de questions sur le titre de l’album, il n’y a pas qu’une raison pour expliquer ce choix, ça coulait de source.
Tout comme la couverture de l’album ? Qu’est-ce qu’elle représente ?
C’est un masque qui pourrait provenir de tribus indiennes ou africaines. Je suis d’origine argentine, Acyde d’origine nigériane. On a combiné nos origines et il en résulte un masque avec une forme et une couleur. Je ne veux pas dévoiler tout le mystère, c’est plus un symbole.
Avez-vous beaucoup voyagé pour trouver tous ces sons ou est-ce à Londres et chez les nombreux disquaires de quartier que vous vous êtes fournis ?
Nous sommes grands fans de la musique de ces pays du tiers-monde, ceux qui ont fait apparaitre la drogue et l’électro, tous ces instruments sur lesquels les mecs délirent. Mais on cherche à créer notre propre son. On veut du moderne avec des bases bien différentes. Je produis mes propres samples. Ce n’est pas de la science, il n’y a rien de très compliqué pour moi : une fois que j’ai trouvé le rythme, je me penche sur le squelette de base.
Énormément de collaborations sur ce premier album (Roses Gabor, ESKA, Elisa Doolittle, etc.), des gens très populaires au Royaume-Uni, un peu moins en France à part peut-être Shingai Shoniwa des Noisettes. Comment se fait-il que vous connaissiez déjà tant de beau monde ?
Nous les connaissons parce que ce sont tous des amis, ce sont tous des gens du coin qui ont accepté de venir poser leurs voix sur notre album.
Et uniquement des femmes et pas d’homme ? Pas de duo non plus ?
Non juste Acyde pour les hommes, et il y a bien un duo avec Shingai sur le premier morceau de l’album… enfin, il crie sur elle plus qu’il ne chante. Mais j’adore la voix de Shingai. Nous sommes actuellement en train de préparer son album solo.
Ceux qui ont dit non a Kanye West
Tu peux nous en dire plus sur cette histoire avec Kanye West ? Comment vous-êtes-vous rencontrés et comment a-t-il eu vent de votre musique ?
On a des connaissances en commun. Ces personnes lui ont donné un CD ou un fichier ZIP parce que Kanye cherchait des sons, des rythmes pour des artistes. Donc on lui a fourni un peu de matériel à la suite de quoi on a reçu un appel de son équipe qui nous informait que Kanye avait écouté ce qu’on faisait et voulait nous rencontrer à Paris. « OK, cool, allez, on y va ». Le lendemain, on est à Paris, on se rend chez lui, on rentre dans son studio et on est là avec lui et tout son staff. C’était complètement dingue. On écoute beaucoup de musique, on joue, on discute. C’est un gros geek de musique, il écoute absolument tout. Et là il nous dit « J’aimerais vous signer sur mon label G.O.O.D ». Il faut savoir qu’on devait rentrer le lendemain sur Londres et signer notre contrat chez Marathon Artists. On lui répond qu’on ne pouvait pas signer sur son label et il nous fait « Attendez, je crois que vous ne m’avez pas compris. » Et si mec, on a parfaitement compris mais on ne peut pas…
Ça a dû être super difficile de dire « non »…
À un autre moment de ma vie, il aurait été difficile de refuser, mais là on a mené notre projet à bien, on ne pouvait pas se permettre d’avoir des embuches en travers du chemin. On n’avait pas besoin de se poser de question sur la date de sortie. On savait ce que Marathon Artists nous proposait. S’il n’y avait pas eu Marathon, peut-être bien, mais je voulais être sûre que notre musique sorte, et je sais comment marche les labels des rappers. Kanye était plein de bonnes intentions, mais ce n’est pas lui qui dirige son label. Il a un job a plein temps, c’est une star de la télé réalité, c’est un mari, un père, il fait plein de trucs. Mais quand on a quitté Paris, on s’est dit « merde, on a mis un stop à une énome star américaine. On a déconné ! ». Non en fait, c’était la meilleure chose à faire. On a encore aujourd’hui des coups de fils de son équipe qui nous dit qu’il écoute We Are Shining dans sa voiture et qu’il veut toujours nous signer. On verra ce qu’il passe dans le futur. On a sorti notre album au Royaume-Uni l’année dernière, on le sort ici et dans le reste de l’Europe cette année. Ce serait cool de le sortir aux États-Unis bientôt.
Justement, quelle est la suite des événements ? Beaucoup de scènes prévues ?
On prépare donc l’album solo de Shingai et celui d’un autre artiste. On commence la tournée en avril. On espère faire la première partie de quelques groupes qu’on aime. On est nouveau, c’est comme ça que ça marche. On essaie d’arranger des dates en Europe, en France. On a tellement hâte de jouer en live. On est six sur scène avec pas mal d’instruments. Il faut voir Acyde, il est incroyable sur scène. Avec son chapeau et sa tenue. Wow ! Il a une telle énergie, une telle inspiration. Je suis très fier de ce qu’on a produit avec ce groupe et le meilleur moyen de diffuser notre musique, outre celui de présenter notre disque, est de jouer live pour que les gens ressentent l’énergie et l’esprit de l’album et du groupe. J’ai trop hâte !
Propos recueillis par Romain Hemelka / Photos : Carsten Wilde + photos promo