Interview de Mat Bastard des Skip The Use 4 comments

Adorn, Adorn Insight, Berlin Fashion Week, London

C’est un événement pour le rock français en ce début d’année 2014. Après Can Be Late, album vendu à plus de 90 000 exemplaires qui leur a valu une victoire de la musique, le groupe lillois Skip The Use sort Little Armageddon le 24 février prochain. En plein promo, Mat Bastard, le chanteur déchaîné sur scène, a répondu très relax à toutes nos questions sur cet album qui confirme tout leur talent.

Rock’N Concert : Qu’avez-vous fait depuis la fin de la tournée ? Vous avez pris un peu de vacances ?

Mat Bastard : Non, on n’a pas fait de vraie coupure. À chaque fois qu’on faisait des concerts, on rentrait chez nous. On a bossé avec Yann le guitariste à peu près huit mois dans nos studios, chez nous, pour faire toute la zic, et j’ai écrit les textes quand j’avais du temps. On retournait ensuite en concerts. On faisait nos trucs à côté. C’était intense.

R’N C : Vous aviez l’intention de battre le fer tant qu’il était chaud ?

Mat : On bosse tout le temps en fait. On fait tellement de choses en même temps, on est obligé de bosser tout le temps. J’adore le groupe, réaliser des albums, produire, faire des musiques de films. Malheureusement il n’y a que vingt-quatre heures dans une journée, donc forcément on partitionne son année.

R’N C : Avec ce nouvel album Little Armageddon, Skip The Use avaient envie de surprendre ?

Mat : Comme sur Can Be Late, on avait envie d’aller un peu plus loin. Pas forcément surprendre les gens, mais d’aller un peu plus loin. C’est un album tellement plus rock, tellement plus brut. Je pense que c’est ça qui peut surprendre les gens. C’est moins « entertainment » peut-être. Et encore, on a les titres We Are Bastards, Lust For You, Namless World, c’est plutôt gai. Mais on a plus un album avec des côtés Nirvana, Blur, Led Zep. C’est un rock plus affermi, et les gens pourront le retrouver en concert.

« Little Armaggedon est plus puissant que Can Be Late« 

R’N C : Vous avez laissé le punk de côté ou vous vous l’êtes appropriés et avez ajouté vos sons ?

Mat : Pour nous le punk n’est pas vraiment un genre musical, c’est plus un texte, un message. Bob Marley était un punk par exemple. Concernant les sonorités, elles sont beaucoup plus hardcores et saturées que ce qu’on n’a jamais fait, comme sur Gone Away, Thirty Years, Little Armageddon, des titres comme ça n’apparaissaient pas sur Can Be Late. Là y a vraiment de la guitare, ce qui nous manquait sur Can Be Late. Après, on a fait des versions live beaucoup plus rock, plus punk, et les gens disaient « ce n’est pas vraiment pareil que le disque ». Là on s’est dit que c’était fini ça. On met tout ce qu’on a, on va où on veut aller. Little Armageddon est beaucoup plus puissant.

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R’N C : D’où vient ce riff à la Jimmy Hendrix sur Second To None, le morceau qui ouvre l’album ? Était-ce naturel de le mettre en première position ?

Mat : On fait la musique à deux avec Yann. Moi je topline les lignes de chants, il y a des titres où je vais vraiment très loin, mais je n’ai pas la science du riff de guitare comme lui. Le seul riff que j’ai fait, c’est celui-ci. On était en studio, je chantais avec une guitare. Je ne voulais pas le chanter d’ailleurs, je voulais topliner cette ligne de chant-là. Je voulais chanter ça sur une grille d’accords, et je me suis dis qu’il ne fallait pas que j’oublie la ligne de chant, je voulais la jouer à la guitare pour ne pas l’oublier. Et j’entends : « attends attends, c’est bien ça ». C’est le titre qu’on a fait pendant le studio, c’est une chanson qu’on a fait en une journée. La plus urgente du disque. On a toujours eu un titre comme ça dans nos albums, et là c’est Second To None. Il était naturel qu’elle soit en première position. C’est du pur rock’n roll.

R’N C : Il y a pourtant beaucoup de sons nouveaux ?

Mat : Oui beaucoup de sons, mais cet album-là c’est ce qu’on est, nous. C’est notre album le plus personnel et le plus sincère. Si les gens nous apprécient, en live ou dans la vie, c’est comme ça qu’on est, c’est comme ça qu’on a toujours voulu faire les choses. Il y a une question d’étapes : on n’a pas toujours eu dix mois pour produire un album. Là on les a pris. Dans Can Be Late, on était très content, mais il y avait deux-trois petites choses qu’on n’avait pas pu faire. Là on a pris le temps de bien les faire.

R’N C : Mais justement, tu n’as pas peur qu’une partie de votre public puisse être déçue que ce ne soit pas aussi rock que Can Be Late, ou trop différent ?

Mat : Dans Can Be Late, il n’y a que quatre titres avec de la guitare. Tout le reste est acoustique. Je crois que Yann a fait une dépression quand il a entendu le mixe de Can Be Late tellement il n’y avait plus de guitare. Dans Little Armageddon, il y a Gone Away, Little Armageddon, The Wrong Man, Born To Fly, Second to None, Thirty Years… Six titres rock sur douze, on n’a jamais fait ça. C’est vachement plus rock qu’avant.

R’N C : On trouve une chanson en français qui s’intitule Être Heureux ? C’est la première du répertoire de Skip The Use, non ?

Mat : Exact, on n’avait jamais fait de titre en français. On n’a pas fait ça parce qu’on s’est dit « tiens, on va faire une chanson en français ». Nous ça part toujours d’une histoire les chansons. Moi j’avais vraiment envie de faire une chanson sur la résignation et le fait qu’aujourd’hui dans mon pays, c’est triste. J’ai de plus en plus le sentiment qu’en France on est très mal, qu’il y a un climat géopolitique très compliqué, de plus en plus ethnotocentré, intolérant et surtout tellement malheureux qu’il existe une solution de facilité qui est de pointer du doigt une sexualité, une couleur de peau, une religion, plutôt que de se remettre en question sur sa façon de vivre. Les manifs contre le mariage gay, l’affaire Dieudonné, tous ces gens qui se tournent vers Marine Le Pen, la tribune d’Harry Roselmack, c’est tellement franco-français tout ça que je voulais faire une chanson sur ça, et je ne pouvais la faire qu’en français.

Adorn, Adorn Insight, Berlin Fashion Week, London

R’N C : Et pourquoi Skip The Use ne chantent pas en français ? Ces deux gros albums sont en anglais, alors que le français passe très bien comme on peut s’en rendre compte avec Être Heureux.

Mat : Je n’ai jamais trouvé que les langues étaient un problème. La langue est un chemin, pas une destination. J’adore Noire Désir, Téléphone, Brel, ça n’empêche pas. Chanter en anglais, ce n’est pas une limite à la francophonie. C’est juste que quand je trouve qu’il y a un sujet universel, et comme nous, en l’occurrence, on joue partout dans le monde, je suis content que tout le monde comprenne ce que je dis. C’est juste une histoire de pratique.

R’N C : Vous avez enregistré en Angleterre. Vous avez collaboré avec le producteur Dimitri Tikovoï (Placebo,The Horrors, John Cale, Goldfrapp, Sissor Sisters…). Comment s’est fait la rencontre ?

Mat : On nous l’a présenté, et puis on était assez fan de son boulot, de sa manière de bosser. La manière de bosser des anglais est très créative dans le son.

R’N C : La ville de Londres vous a inspiré ?

Mat : Oui, les anglais essaient des trucs auxquels tu ne penserais même pas. On a passé des guitares dans des synthé modulaires pour avoir des saturations. Ça c’est les anglais : ils tentent des trucs, et à la fin, ça te fait un son de fous. C’est excellent car parfois ça te donne d’autres idées, et c’est vraiment ça qu’on est allé chercher en Angleterre.

R’N C : Les voix de femmes et d’enfants paraissaient déjà sur Can Be Late. C’est un peu la marque de fabrique, non ?

Mat : Dans Ghost, c’était une question de tessiture. C’était trop aigü pour des hommes, pas assez pour des femmes. On s’est alors dit qu’on allait faire chanter les enfants. Juste une question technique. Sur cet album, on a fait une chanson sur les enfants dans les orphelinats qui s’appelle The Taste. Pour nous, il était donc important que des enfants clôturent ce titre. Il fallait que ce soit eux qui donnent le message. Dans Ghost c’est vraiment le refrain, par contre dans celle-là, ça permet de mettre un point final. En ce qui concerne les voix de femmes, il doit y avoir un côté sonorités qui nous plait.

R’N C : Il se pourrait qu’il y ait une chorale d’enfants ou des choristes qui viennent un jour sur scène ?

Mat : La chorale, on l’a déjà fait très souvent. Mais les choristes, non. Les choristes, ce sont mes camarades.

« On est en train de preparer le live : ca va etre fort ! »

R’N C : La scène, c’est l’un de vos gros points forts. On vous a vu en concert privé à la Salle Wagram et lors d’un grand live au Zénith de Paris l’année dernière, et on ressent cette incroyable énergie que vous nous transmettez. Vous avez envie de proposer autre chose en concert ou « on ne change pas la formule magique » ?

Mat : T’as vu comment c’était Ghost à la radio, avec la guitare acoustique et le petit synthé ? T’as vu comment on la joue en concert ? On a pris un titre et on en a fait une version live. Dans Can Be Late, il a fallu qu’on les « rockifie » pour les adapter à la scène. Imagine comment on va jouer ça ? Là, la version est déjà comme ça, on ne peut aller que dans cette direction. On est déjà en train de préparer le live et ça va être fort. On est proche de la lumière rouge. On a vraiment envie de les jouer. On a fait une télé il y a deux semaines où on a joué Gone Away et Birds Are Born to Fly. Les gens étaient tellement déchaînés, on se serait cru à un concert de Nirvana. Et pourtant on n’avait pas encore vraiment bien préparé, on n’avait pas travaillé la version live, donc ça va être vraiment cool. On a hâte.

R’N C : Concernant la pochette du disque, pourquoi tes collègues regardent vers la gauche et toi en face ? Y a-t-il une raison particulière ?

Mat : C’est parce que c’est moi le chef. J’assume. C’est moi le chef et c’est moi qui prend dans ma gueule. Alors je regarde si ça vient ou pas (rires). Vu que je suis celui qui représente le groupe le plus souvent…

R’N C : Et l’aigle ?

Mat : Ah non, c’est un corbeau, j’y tiens. Mais moi aussi je dis tout le temps « l’aigle ». C’est par rapport au titre Birds Are Born To Fly, qui est un titre qui pour le coup en live a fait ses preuves au Zénith de Paris. Une nouvelle chanson dont 6000 personnes reprenaient le refrain. Incroyable ! Et ça, on ne l’avait pas tout de suite sur Can Be Late.

R’N C : D’où vient la collaboration avec le dessinateur Arthur de Pins pour le clip de Nameless World, le premier single de l’album ?

Mat : Il a fait une BD qui s’appelle Zombillénium et un long métrage avec les gars qui ont produit Erneste et Célestine. Je compose la musique du film avec Yann. On s’est rencontré comme ça, ils étaient bien fan de l’album et à force de travailler ensemble, ils nous ont dit qu’ils aimeraient bien faire un clip en gardant les équipes d’animation.

R’N C : Peut-on s’attendre à voir une petite série de clips d’animation façon Gorillaz ou à la Daft Punk – Discovery ?

Mat : C’est trop cher. On aimerait bien, mais c’est de l’animation. Et même si je suis bien représenté et qu’Arthur est très fort, ce n’est pas possible. C’était une belle collaboration, et là on est encore sur le film. On n’est pas prêt de se quitter avec Arthur.

R’N C : Les festivals, ça commence ? Skip The Use pourraient représenter le rock français à Glastonburry, T In The Park ou Cochella un jour ?

Mat : Nous sommes en plein dans la période de booking des festival. Ça commence à se dessiner, mais je n’ai pas encore la carte. Cochella, on pensait y aller l’année prochaine plutôt. On ne voulait pas le faire cette année parce que c’est trop proche de la sortie du disque, c’est en avril. Comme on a deux mois de promo…On va d’abord faire une tournée américaine, et ensuite on ira là bas. Ça nous laisse le temps de faire tout ce qu’on à faire.

R’N C : C’est quoi le secret pour rester potes après tout ce temps, avec 350 concerts en 5 ans ?

Mat : Ça fait 20 ans qu’on se connaît. On a une formation très seine. On se connaît tellement bien, et quand on connaît bien les gens, on sait ce qu’il faut faire et ne pas faire. On est très complémentaire. On a chacun nos petits exutoires. Moi j’aime aller faire du surf, je suis assez solitaire. On se connaît, et au bout de 20 ans… On a la chance de vivre des choses rares. Imagine la chance qu’on a. À 13 ans, on jouait dans les boums et on se disait qu’un jour on jouerait dans un stade. L’année dernière, on jouait au Stade de France en première partie de Muse avec les mêmes mecs. Tu regardes ton copain 20 ans plus tard et là tu fais : « ah ouais, quand même ! ».

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Propos recueillis par Romain Hemelka – Photos : Andreas B. Krueger (http://www.andreasbkrueger.com/)

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