Les jeunes irlandais de The Strypes souhaitaient offrir un gros concert au public parisien avant de boucler leur tournée européenne et de s’envoler pour leur Japon pour présenter leur deuxième album Little Victories. Mission accomplie au Bataclan avec un énorme set et un public qui s’est enflammé au fur à mesure de la soirée.
La sandwicherie qui touche le Bataclan nous avait déjà mis dans le bain une heure avant le concert en balançant des extraits de performances live de The Strypes. Les lads de Cavan, Irlande, ont le look des frères Gallagher (un peu Jake Bugg aussi), un son qui sent les Stones et les Who (entre autres) et l’insouciance de la jeunesse comme jadis les Arctic Monkeys, dont ils avaient fait la première partie en hiver dernier. Et pourtant le groupe se démarque avec son énergie, sa folie et l’équilibre de ses quatre membres. Cerise sur le gâteau : la voix et l’harmonica de Ross Farrelly.
Le balade irlandaise démarre en trombe vers 19H30 avec des compatriotes, The Mighty Stef, qui surprennent par leur facilité à se mettre le public dans la poche. Un leadsinger coupe au bol qui assure, quelques morceaux qui envoient et un slow langoureux pour faire apprécier la sensibilité celte, et emballé, c’est pesé. Un groupe à surveiller de près.
Une première partie made in Dublin, de la bière à flot même si elle n’est pas noire, un drapeau irlandais qui fend la foule pour atterrir au pied de la scène et Dirty Old Town de The Pogues qui déclenche le début du gig… so Irish ! Ross Farrelly, Josh McClorey (guitare), Peter O’Hanlon (basse) et Evan Walsh (batterie) sont à peine majeurs et ont pourtant l’air tellement à l’aise dès leur entrée en scène. La parterre se compose de jeunes et de moins jeunes… pas mal de moins jeunes d’ailleurs. En revanche le balcon est désert, et ce n’est pas plus mal. The Strypes entame de fort belle manière avec ’84 et lance la soirée rock’n blues.
Les ados alternent les titres de leur excellent nouvel album Little Victories avec les morceaux de Snapshot, leur premier tout aussi fort. La voix de Farrelly est profonde et puissante à la Liam Gallagher. La ressemblance avec le chanteur d’Oasis, outre la coupe de cheveux, se retrouve dans le tambourin qu’il cogne contre sa main et l’attitude qui affiche face au public. Le singer n’est cependant pas le leader : il se met beaucoup en retrait pour laisser McClorey et O’Hanlon faire le show et annoncer tour à tour les titres à venir. Quant au batteur Walsh, il reste planqué derrière ses lunettes et fait le taf avec panache.
Tout se passe bien dans le monde de l’indie. On apprécie les titres accrocheurs comme The Best Man, Cruel Brunette, A Good Night’s Sleep and a Cab Fare Home, Queen of the Half Crown ou Get Into It ainsi que les solos qui dépotent de McLorey et les mouvements de tête de O’Hanlon qui délire comme un Flea. Jusqu’au moment où le bassiste signale au micro qu’une jeune femme fait une crise d’épilepsie dans les premiers rangs. Le temps que la sécurité comprenne ce qui est dit en anglais (avec un sacré accent irlandais) et se décide à se bouger, c’est un froid glacial qui parcourt le Bataclan.
The Strypes se décrispent peu à peu après cet incident et partage de beaux moments avec le public comme sur Scumbag City où tout le monde reprend le refrain sans musique ou saute à la demande du groupe. Les 3 potes montent sur les enceintes, sautent dans tous les sens, enchainent les selfies avec le portable d’une fans. Ross Farrelly sort à plusieurs reprises son harmonica qui donne ce côté bluesy à la musique de la formation de Cavan tandis que Josh McClorey joue de la gratte dans le dos. Le niveau d’ambiance ne cesse de grimper.
Et parmi les reprises qui claquent durant le rappel, l’association sur scène avec The Mighty Stef pour une interprétation improbable de Ça Plane Pour Moi retourne le Bataclan. The Strypes prouvent qu’à 18 ans, assurer musicalement et scéniquement bien mieux que des vieux de la vieille est un jeu d’enfants. Un public parisien totalement conquis à la sortie. Écrasante Victoire irlandaise !
Chronique : Romain Hemelka – Photos : Stéphane Burlot