Arctic Monkeys, groupe phare du rock anglais de ces dernières années, donnaient deux dates de concert au Zénith de Paris les 7 et 8 novembre, pour la promo de leur nouvel album A.M. Des concerts archi complets où les fans en ont pris plein les yeux et en ont eu pour leur argent. L’un des gros évènements musicaux de cette fin d’année 2013, à n’en pas douter. Nous étions présents le soir du 8.
Le 27 février 2006, à quelques centaines de mètres du Zénith, un groupe de rock originaire de Sheffield remplissait la petite salle du Trabendo. Ces petits mecs d’une vingtaine d’années s’étaient murgés au cidre avant de monter sur scène pour présenter les titres de leur tout premier album What You Think I Am Is What I’m Not (record des ventes de disques en un jour à l’époque). Quelle claque !
Aujourd’hui, les Monkeys ont mûri et prennent sous leur aile un groupe qui leur ressemble, the Strypes, qui assure leur première partie. Aussi jeunes, rock et sur vitaminés que leurs aînés, ces irlandais ouvrent le bal de fort belle manière, sans temps morts ni longs discours, et préchauffe la fosse déjà bondée aux sons de l’harmonica et des guitares électriques saturées.
C’est vers 21H20 qu’Alex Turner, Jamie Cook, Matt Helders et Nick O’Mailey s’emparent de la scène. La foule de plus en plus compacte se masse à leurs pieds. Des bouteilles plastiques, bières et vêtements sont jetés dans tous les sens. L’excitation atteint son paroxysme lorsque retentissent les premiers accords de Do I Wanna Know, premier titre du nouvel album A.M. Ces deux lettres géantes apparaissent derrière les musiciens et s’illuminent d’un seul coup. Que le spectacle commence…
Il est donc loin le temps des cheveux en bataille et des tenues jean-baskets-polos fred perry. Désormais le groupe a adopté un style plus classe, plus glamour. Alex Turner porte un ensemble couleur argenté et sa coiffure semble impécable, surtout s’il sort de sa poche un peigne pour se recoiffer de temps à autre. Avec sa gestuelle et son petit déhanché, on pourrait presque y voir un faux air d’Elvis qui tape la pose. Cook et Nick sont aussi élégants en costard-cravate tandis que Matt est resté décontracté. Les quatre membres sont rejoints sur scène par deux autres musiciens supplémentaires, l’un aux percussions, l’autre au clavier.
Les morceaux fusent à une cadence déchaînée. Brianstorm, Dancing Shoes, Don’t Sit Down ‘Cause I’ve Moved Your Chair, Teddy Picker, Crying and Lightning, Old Yellow Bricks… la setlist contient à cet instant les gros morceaux de leurs différents albums qui ne cessent de faire bouger, sauter, chanter et danser la fosse comme les gradins, debout du début à la fin. Les titres de A.M., comme Snap Out Of It, Why’d You Only Call Me When You’re High dans une version plus cool et bien léchée ainsi qu’Arabella n’en finissent pas d’enflammer la salle.
L’un des pics d’ambiance de la soirée est un classique. I Bet That You Look Good On The Dancefloor reste imparable pour emporter la foule dans un tourbillon de folie. Sur scène, O’Mailey reste stoïque en bon bassiste qu’il est, tandis que Turner et Cook s’éclatent sur le devant de la scène, et comme à son habitude, Helders ne s’économise pas un instant à la batterie. L’ambiance s’adoucit lors de l’interprétation de Cornerstone, charmante balade où le spectacle lumineux est fabuleux (on se croirait dans une boom géante), tout comme sur Piledriver Waltz, extrait de la B.O. du film Submarine composée uniquement par Alex Turner. Ce court passage romantique se fait étrangement de façon naturelle et permet de souffler un peu. Les anglais remettent les pleins gaz avec Do Me A Favour, Fluorescent Adolescent et Knee Socks, morceau qui conclue le concert avant le rappel.
C’est après trois salves d’applaudissements bien nourries que les Arctic Monkeys refont leur apparition. One For The Road remet dans le bain le Zénith qui ne faiblit pas. Et pourquoi pas encore deux autres pour la route ? Alex Turner fera tomber son micro (ce qui lui vaudra de se faire gentiment chahuter par le public) avec de reprendre à la guitare sèche, accompagné de ses petits camarades, une version acoustique magnifique de Mardy Bum. Une belle surprise avant de finir en apothéose sur le morceau qui avait annoncé en fanfare ce cinquième album, Are U Mine, où le groupe déchaîne les enfers une dernière fois.
Les AM quittent la scène, les lumières du Zénith se rallument, les roadies courent déjà pour ranger le matériel. Le public parisien reste bouche bée : il vient d’ assister à un grand moment de musique rythmé par un lightshow éblouissant. Les Arctic Monkeys ont gagné en assurance et en maturité. À 27 ans, les anglais ont offert un spectacle digne des plus grandes stars du rock, renouvellent aussi bien leur style musical que vestimentaire, se donnent à 100 % en live et font toujours mieux que la tournée précédente. Les nostalgiques du premier album regretteront de ne pas avoir entendu View From The Afternoon, Fake Tales of San Francisco et Ain’t No Romance… mais quel chemin parcouru depuis le Trabendo !
Chronique : Romain Hemelka – Photos : Emmanuel WINO