Mumford and Sons @ Trianon Paris 26 mars 2013
Certains artistes britanniques ont balancé dans la presse que Mumford & Sons ressemblaient à des « bouseux bobo avec des banjos » ou qu’ils avaient l’air d’« attardés » (on ne citera personne). Méchanceté gratuite ou simple jalousie ? Il semble que l’engouement autour de cette formation dérange le gratin du brit rock. En effet, la file d’attente impressionnante sur le boulevard Rochechouart et l’excitation des fans, prêts à marcher sur l’agent de sécurité pour une poignée de billets vendus au dernier moment, nous laissent carrément choqués lorsqu’on sait qu’il s’agit de musique folk.
Dans la lignée des groupes comme Bon Iver, Arcade Fire, Band of Horses, Fleet Foxes et The Lumineers, Mumford and Sons a hissé la musique folk au sommet de la hype ces dernières années.
Cela ne fait aucun doute lorsqu’on a connu la performance et l’atmosphère incroyable de leur concert mardi soir au Trianon de Paris.
Folk, douce et delirante a la fois
Des guirlandes d’ampoules dans le ciel du Trianon, un paysage montagneux sur toile de fond et des sortes de grandes assiettes blanches placées en arrière de la scène. Sur une place de village à la campagne ou au beau milieu d’une clairière sous un ciel étoilé, Mumford & Sons ont d’abord l’envie de transporter le public loin des villes grâce au décor, mais surtout grâce à leur musique. Venus à Paris pour présenter leur excellent 2ème album Babel (triple disque de platine au Royaume-Uni, double disque de platine aux Etats-Unis), le meilleur groupe de l’année 2012 entre en piste sur les coups de 21H devant une foule déjà sur-ex-ci-tée.
Marcus Mumford, accompagné de ses « trois fils », ne met pas longtemps à s’échauffer les cordes vocales. De sa voix rauque, il interprète Babel et met le feu aux poudres instantanément. Guitare sèche à la main, pied sur la pédale d’une grosse caisse, il sourit en contemplant la foule qui s’agite : « Merci beaucoup Paris ! ». Suit ensuite Little Lion Man, que le public parisien connaît par cœur, comme d’ailleurs tous les titres de leurs deux albums. Cela ne peut pas mieux commencer.
On ne sait déjà plus si c’est la bière lancée à travers la fosse ou la transpiration qui nous colle à la peau, mais peu importe. Le temps de souffler un peu et de réaccorder les instruments, les quatre musiciens se tiennent sur le devant de la scène. White Blank Page pousse les balcons à se tenir debout, et à tout le Trianon de les suivre. Même Mumford n’arrive plus à mettre un terme au refrain entonné par la salle.
Puis dans la pénombre, Winston Marshall nous demande dans un très bon français de nous taire quelques minutes. Il n’a suffi que de quelques secondes pour que le Trianon plonge dans un silence de cathédrale. Le sixième morceau de la setlist est un moment magique et unique : sans micro ni guitare branchée, la formation chante a capella le titre Timshel. Certains se mordent les lèvres pour ne pas reprendre avec eux et ainsi éviter perturber le chœur merveilleux. Comme soufflé, le public ose à peine applaudir une fois le morceau fini.
Banjooooooooo !!!
Les morceaux défilent bien trop vite. L’ambiance change de tons à chaque chanson, tantôt bleutée, tantôt rougeâtre. Marcus Mumford quitte le devant de la scène pour s’installer à la batterie, Winston Marshall (banjo), Ben Lovett (claviers, guitare électrique) et Ted Dwane (basse, contrebasse) assure le spectacle en première ligne. Lover Of The Light et Thistle & Weeds sont l’occasion pour un trompettiste et un violoniste de rejoindre le groupe, de voir les ampoules scintiller et changer de couleurs au-dessus de nos têtes, et surtout d’avoir droit à des solos de banjo.
Outre la voix chaude et puissante de Mumford and Sons, le banjo est l’atout majeur des anglais. L’instrument qu’on lie souvent avec le film Délivrance ou les fêtes au fin fond de trous perdus possède un pouvoir unique pour entraîner les gens à danser. Et avec un banjo hero tel que Winston Marshall, plus personne ne songe à la guitare électrique. Jeune, assez maigrichon, une petite barbichette au menton, Marshall enflamme la foule avec quelques accords endiablés. Il danse, il chante, il saute et tape des mains en même temps que la fosse.
« Combien de personnes sont françaises ? Combien sont étrangères ? » interroge Mumford. A vue de nez, c’est du 50-50. Etonnant alors qu’on entend parler anglais dans différents accents aux quatre coins de la salle. Une bonne chose pour donner de la voix sur la douce chanson Ghosts That We Knew ainsi que sur les morceaux. Awake My Soul, Roll Away et Dust Bowl Dance. Les balcons semblent aussi hystériques que le parterre. Ben Lovett prend alors la parole pour nous confier qu’ils ne comprennent pas pourquoi ils ne sont jamais venus jouer plus souvent à Paris, tant l’accueil est incroyable.
Seulement deux chansons constituent le rappel : Lovers’ Eyes (Winter Winds) et l’incontournable I Will Wait, qui conclue, dans un brouhaha monstrueux et une atmosphère complètement folle, peut-être le meilleur concert parisien de ce début d’année. Les artistes ont tout donné et trempés, ils saluent le Trianon une dernière fois avant de rejoindre les coulisses. Mon voisin irlandais m’affirme qu’après avoir vu Mumford & Sons en Irlande, en Grande Bretagne et en Espagne, c’était de loin leur meilleure prestation et la plus belle ambiance dont il a été témoin.
Texte par Romain Hemelka / Photos par Carsten Wilde : photographe de concert paris
Mumford and Sons sur amazon.fr :