Interview avec Patrice Vigier (Summer Storm)
Établir un groupe de rock classique progressif français à l’échelle internationale, telle est l’ambition de Patrice Vigier. Ce dernier est un fabricant de guitares renommé dans le monde entier. Ses instruments sont passés dans les mains des plus grands : Deep Purple, Black Sabbath, Led Zeppelin, Simple Minds ou encore les Guns N’ Roses. Il s’est entouré de la crème des musiciens de rock français pour créer le groupe Summer Storm. First, le premier album du groupe est sorti en septembre dernier, et le second est déjà dans les starting blocks. Quelques jours avant la sortie de ce premier opus, nous nous sommes entretenus avec Patrice qui revient sur la genèse du projet et nous livre quelques secrets autour de la réalisation de leurs premiers clips.
Que ressens-tu à quelques jours de la parution du premier album ?
Je sais que nous avons fait un bon album. Je suis content du résultat, même si j’ai été tenté d’y apporter quelques retouches. On a essayé de faire un album à la fois rock et progressif.
Peux-tu revenir sur la genèse de Summer Storm ?
J’en suis à l’origine. C’est un projet que j’ai dans la tête depuis un bon moment. Etant passionné de guitares, je me suis consacré à leur fabrication pendant plusieurs décennies. Un jour, je me suis mis à composer mais je n’osais pas en parler autour de moi. Même si mes guitares font partie des meilleures au monde, j’ai tout à prouver sur ce projet musical. J’en ai finalement parlé à Pascal Mulot (bassiste), qui fait partie du groupe aujourd’hui. Il a contacté Aurelien Ouzoulias (batteur). Mais comme je ne voulais pas en faire uniquement un projet instrumental, j’ai appelé Renaud (Hantson) dans l’idée de le faire chanter sur un titre. Il a accepté, car il a une affection particulière pour mes guitares. Son premier bassiste, décédé depuis, les utilisait. Il a fini par chanter sur les tous les titres.
Tu opères dans les coulisses, dans le sens où tu es luthier. Appréhendes-tu d’occuper le devant de la scène ?
Je n’appréhende pas du tout. Je dévoile mon âme au plus profond de moi-même au travers de la musique. Je vois ce projet comme étant au service de la musique et des gens qui vont l’écouter.
Summer Storm est un supergroupe à la française composé de musiciens hors norme. Je pense notamment à Pascal Mulot (bassiste)…
Pascal fait partie des meilleurs bassistes au monde. C’est un membre important du groupe car c’est lui qui a fait adhérer tout le monde. D’ailleurs, sans lui le projet serait toujours au stade embryonnaire, sans vouloir faire de jeu de mots avec la pochette. En qui concerne Aurélien (batteur), il nous a stupéfié dès la première prise du premier morceau que nous avons enregistré. Il suffit d’écouter la fin de Life Is Too Short pour se faire un avis.
Tu as la chance d’avoir Renaud Hantson à tes côtés, considéré comme la plus belle voix de sa génération, selon Michel Berger.
Renaud, c’est une très forte personnalité. Il s’agit du leader du groupe. Mon rôle consiste à mettre son chant le plus en valeur possible. C’est un artiste qui a une sensibilité hors norme. Renaud n’est pas un chanteur de métal dans le sens où il a plus d’une corde à son arc. Il est très ouvert musicalement. Il est à la recherche de l’excellence au niveau mélodique. Et puis quelle voix !
Te souviens-tu de votre première rencontre ?
C’est Pascal qui nous a présenté, même si je connaissais son groupe Satan Jokers. La première que nous sommes allés en studio, je ne savais pas ce qu’il allait faire. J’ai fini les larmes aux yeux. Je n’ai pas touché une virgule de ce qu’il a fait. C’est incroyable.
Vous êtes tous des virtuoses. Il n’y a pourtant pas d’excentricité apparente dans votre musique. Comment expliques-tu cet équilibre ?
C’est l’esprit du groupe. Tout ce qui compte, c’est la musique. Il faut qu’elle fasse vibrer le corps des gens qui écoutent (rires). Et puis, je ne suis pas un technicien de la guitare. Je travaille peu mon instrument pour manque de temps.
Comment ces morceaux ont-ils vu le jour ?
Sur plan musical, c’est moi qui ai tout composé. Renaud (Hantson) a travaillé sur les mélodies de chant. Wherever You Are et Little By Little ont vu le jour il y a une dizaine d’années. D’autres morceaux sont plus récents. Il faut savoir que l’album est prêt depuis deux ans déjà.
Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour le sortir ?
Ça été assez long, car il a fallu que les choses se mettent en place. Et comme on aime faire les choses jusqu’au bout, cela peut prendre du temps de réunir les équipes.
Le mariage de styles est très réussi sur l’album. De quel univers musical viens-tu ?
Je viens de l’accordéon musette (rires). Mais c’est à moitié vrai, car c’était la culture musicale dans ma famille. Ce qui m’a marqué, comme tout le monde, c’est mon adolescence. Les deux premiers morceaux que j’ai entendus et qui m’ont profondément marqué sont Instant Karma de John Lennon et Black Night de Deep Purple. Aujourd’hui, j’écoute de tout, ça passe par Led Zeppelin, Adèle, France Gall ou Mozart. Ce qui compte pour moi, c’est la mélodie.
Plusieurs morceaux sortent du lot. Que peux-tu nous dire au sujet de Wherever You Are ?
C’est Renaud qui a choisi ce titre-là. Il a plus d’expérience que moi et je lui fais confiance. Pour lui c’était un choix évident, comparé à Summer Storm qui dure près de huit minutes. Ce morceau fait un clin d’œil sympathique aux années 70.
Le morceau Natural Born Lover comporte des parties chantées en français. Pourquoi avoir fait ce choix alors que l’album est chanté en anglais ?
Parce qu’on est français (rires). On a pensé que la langue française était aussi sympa. Renaud a choisi ce morceau pour mixer les deux.
L’album inclut deux moments spirituels et très personnels. Le premier est GV…
Ce morceau rend hommage à mon père, Georges Vigier, décédé il y a onze ans. Renaud étant en charge des paroles, je lui ai demandé de faire un texte pour mon père. On a parlé de lui assez brièvement. Renaud est très sensible et a très rapidement saisi ce qu’il fallait écrire. C’est un morceau qui me tient particulièrement à cœur.
Life Is Too Short sort également du lot…
Tu remarqueras que le morceau s’arrête de manière nette, tout comme la vie. Ce morceau est lié à GV. Ils se suivent d’ailleurs sur l’album et ce n’est pas un hasard. On a tous perdu des êtres chers. Il s’agira du prochain clip.
Les premiers clips sont déjà sortis. Ils sont très épurés. On vous voit en communion. Que peux-tu nous dire au sujet de leur réalisation ?
Les deux clips ont été réalisés par Matt Kiichi Heafy. Whoever You Are a été tourné sur les toits de Paris pour faire un clin d’œil à la France. On a tourné en juillet et il faisait une chaleur étouffante. Le problème étant qu’Aurélien ne pouvait pas réellement taper sur sa batterie. On a eu des plaintes quelques minutes après avoir commencé. Il a été obligé de simuler. Une vraie torture pour un batteur.
Qu’en est-il pour Little By Little ?
Le clip a été tourné dans les bas-fonds de Pontoise. Tu verras les galeries dans le clip de Life Is Too Short. On est partis sous terre pour être en phase avec l’esprit de ces morceaux. C’est pour cette raison que nous avons choisi cet endroit mystique.
L’ensemble du projet est déjà planifié sur environ quatre ans. Pour quelle(s) raison(s) ?
On ne souhaite pas que les gens voient ce projet comme un one-shot. J’ai envie que ce projet vive. L’aventure va donc se poursuivre. Le deuxième album est quasiment finalisé. On a également un projet d’album live qui sortira en CD et en DVD. On verra pour la suite. Nous sommes à la recherche d’un manager pour structurer le projet.
Tu es réputé en tant que luthier. Quelle est la rencontre qui t’a le plus marqué ?
Je fais toujours la même réponse. Je risquerai de me fâcher avec beaucoup de personnes si je répondais. Si tu regardes la liste des guitaristes utilisant Vigier, tu les reconnaitras. Il y en a tellement. Pour la plupart, ce sont des pointures. Je ne peux pas en mettre un en avant plus qu’un autre. Ce sont eux qui m’ont maintenu dans la foi de mon métier.
Propos recueillis par Thorsten Wollek