Interview : Steve Hackett
Steve Hackett est l’un des artistes que nous chérissons plus particulièrement sur Rocknconcert. Hormis son passé dans le groupe légendaire Genesis, il a derrière lui une importante carrière solo. Steve vient de sortir The Night Siren, son 25ème album, qui figure déjà parmi ses meilleures œuvres avec le précédent album Wolflight. De retour de Serbie, où il a tourné le clip pour le titre Behind The Smoke, il a accepté de nous parler de l’album, très politique au demeurant et de la tournée qui s’ensuit.
Steve, nous sommes encore sous le choc suite à l’annonce du décès de John Wetton hier…
Steve Hackett : Oui, c’est une terrible nouvelle. Nous avons collaboré de très nombreuses fois et étions de très bons amis. Nous avons partagé la scène à plusieurs reprises et avions même évoqué plusieurs fois la création d’un groupe ensemble. Cela n’a malheureusement jamais abouti. C’était quelqu’un de profondément gentil. Il restera à jamais dans mon cœur.
Que peux-tu nous dire sur ton nouvel album, en quelques mots ?
Steve Hackett : Je suis très satisfait des sonorités de cet album. J’ai collaboré avec une vingtaine de musiciens rencontrés au cours de mes voyages, venant entre autres d’Azerbaïdjan, d’Islande, d’Arménie, de Hongrie, d’Inde et d’Israël. C’est une façon d’apporter de la diversité multiculturelle au travers des couleurs locales. Le message de l’album est très fort, car ce qui est possible dans la musique devrait l’être n’importe où ailleurs. L’album intègre également une dimension politique, puisqu’il traite de la question des réfugiés, le contrôle des frontières et le Brexit. Je pense que nous devrions traiter les réfugiés avec plus de respect. Me considérant comme européen, je suis contre la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne.
L’album a des accents de world musique. D’où vient cet éclectisme musical ?
Steve Hackett : Nous adorons voyager avec ma femme et avons de nombreux amis dans le monde. Cela m’influence inévitablement. Je possède d’ailleurs plusieurs instruments provenant de part et d’autre dans le monde, dont le Duduk d’Arménie et l’Oud d’Azerbaïdjan. Nombre de ces instruments proviennent du Moyen-Orient, mais également de pays comme le Pérou, au travers l’utilisation du Charanga. Ce sont majoritairement des instruments acoustiques. Mais je m’intéresse également aux percussions. A ce titre, ma collaboration avec Todmobile d’Islande a été très intéressante. C’est fabuleux que de pouvoir improviser avec ces musiciens.
Tu es pleine tournée. Que peux-tu nous révéler sur ton show ?
Steve Hackett : La première partie comprend des titres issus de ma carrière solo, car il est très important pour moi d’interpréter de nouveaux morceaux faisant écho à la situation actuelle du monde. La deuxième partie est uniquement composée de morceaux de Genesis pour honorer mon passé.
Quel message souhaites-tu apporter à travers ces nouveaux titres ?
Steve Hackett : C’est un message de paix. Quand observe le chaos dans lequel sombre le monde, je souhaite apporter une alternative via ma musique, afin de montrer que nous pouvons collaborer sans faire violence à l’autre. Ce que je fais actuellement ressemble à un geste protestataire. L’un des titres sur l’album, Behind The Smoke, porte un message particulièrement fort. Il évoque la situation critique des réfugiés. J’ai moi-même des membres de ma famille qui ont dû quitter la Pologne il y a plus de cent ans pour se rendre en Grande-Bretagne. L’idée avec ce morceau a été d’honorer nos ancêtres. Le message de paix m’anime plus particulièrement, car autrement nous sombrerions dans le chaos.
Tu évoquais l’Europe tout à l’heure…
Steve Hackett : Je pense qu’il nous faut des leaders politiques qui ne défendent pas seulement les intérêts nationaux mais le fassent également à un niveau international. Nous avons la paix en Europe depuis longtemps. De plus, l’Europe va probablement s’élargir. Il est possible que la Serbie la rejoigne. Aussi, je suis choqué à l’idée que le Royaume-Uni puisse sortir de l’Union Européenne.
Deux titres sortent du lot à mon sens. Le premier est In Another Life, avec un magnifique solo de Troy Donockley…
Steve Hackett : Ce passage joué à la cornemuse véhicule parfaitement l’imaginaire écossais. Je m’y suis rendu l’année dernière pour visiter le pays. Il véhicule tant la beauté des paysages que le côté dramatique de l’histoire de ce pays.
L’autre morceau dont je souhaite parler est The Gift, un court morceau instrumental en fin d’album. L’esprit de Gary Moore plane sur ce morceau…
Steve Hackett : Je suis content tu abordes cela. En fait, j’ai acheté une guitare ayant appartenu à Gary Moore. Je l’ai utilisée sur ce morceau. Elle a un son magnifique. Ce morceau a été composé par une compositrice, Benedict Fenner et son partenaire Leslie-Miriam Bennett, qui m’a aidé lors de la phase de mixage de plusieurs titres. Ce morceau est mélancolique et très beau.
Pendant ta tournée, tu joues des morceaux issus de l’album Wind & Wuthering, un album de Genesis paru en 1977. C’est plutôt étonnant comme choix, sachant qu’il y avait des frictions dans le groupe à ce moment-là. Tu as d’ailleurs quitté le groupe juste après…
Steve Hackett : J’aime énormément cet album. Pour revenir un peu sur l’histoire, je n’ai pas quitté le groupe pour des raisons musicales. J’ai fini par quitter le groupe car Mike et Tony rejetaient mes compositions. J’avais pourtant eu beaucoup de succès avec mon premier album solo Voyage of the Acolyte (1975). Il semble qu’ils m’aient vu comme une menace, car ils souhaitaient à tout prix éviter ce qui était déjà arrivé avec Peter Gabriel auparavant. Je n’avais pourtant pas changé d’attitude envers le groupe. On célèbre le quarantième anniversaire de Wind & Wuthering. J’en joue quelques extraits sur scène, parmi elles Eleventh Earl of Mar, One for the Vine, Afterglow et Blood on the Rooftops. J’ai également rajouté Inside and Out dans le set. C’est un très bon morceau qui, à mon avis, aurait dû figurer sur l’album (NDLR : le morceau a été relégué sur un EP).
A titre plus personnel, j’aimerais que tu me parles du morceau In Memorian, paru en 1999 sur ton album Darktown…
Steve Hackett : Ça remonte un peu maintenant. C’est probablement l’un des morceaux les plus mélancoliques que j’ai écrit. L’approche est presque bouddhiste, puisque ce morceau célèbre les choses sur Terre que je ne manquerai pas avant de quitter ce monde. Ce morceau figure sur l’un de mes albums les plus sombres. J’en joue rarement des extraits sur scène. D’ailleurs, pour la première fois, nous jouons Rise Again sur cette tournée.
Est-il prévu de changer la setlist au cours de la tournée afin de réserver quelques surprises à tes fans ?
Steve Hackett : Oui, c’est tout à fait probable, même si je me concentre sur les mêmes morceaux pour l’instant. Je sais que de nombreux fans ont des souhaits particuliers. Je vais tenter de répondre à leurs attentes. Il est également important pour moi de jouer au moins un titre de chaque album de Genesis auquel j’ai participé, même si je pense qu’il est ambitieux que de vouloir tout ça à la fois.
Propos recueillis par Thorsten Wollek