Voilà plusieurs années que nous suivons de près l’actualité du groupe Marillion. Nous nous étions entretenus avec leur chanteur Steve Hogarth à l’occasion de la sortie de l’album Sounds That Can’t Be Made en 2012. Depuis quelques jours, leur nouvel album FEAR est disponible dans les bacs. Nous avons pu cette fois nous entretenir avec leur guitariste, Steve Rothery, membre du groupe depuis leurs débuts en 1979.
Marilion vient tout juste de démarrer la promo pour ce nouvel album. Quels sont les retours de la presse, sachant que vos fans ne l’ont pas encore entendu ? Quels ont été les premiers retours de la presse avant la sortie de l’album ?
Steve Rothery : Les retours de la presse sont phénoménaux. A la sortie d’un album, tu ne peux jamais prévoir quels en seront les retours. Nous sommes donc très contents.
Quelle importance portes-tu aux critiques, sachant que Marilion a de très nombreux albums à votre actif ?
Steve Rothery : Nous faisons de la musique avant tout pour nous. Nous espérons bien évidemment que nos fans l’apprécient ! Nous ne nous préoccupons pas vraiment des critiques. Nous ne nous posons aucune limite artistique. Mais je ne te cache pas que c’est tout de même agréable d’avoir de bons retours de la part de la presse, d’autant plus que nous avons travaillé très dur sur cet album. Il faut savoir que nous avons été longtemps ignorés par la presse, cela nous fait donc très plaisir d’avoir des retombées positives.
Quatre années se sont écoulées depuis la sortie de votre précédent opus Sounds That Can’t Be Made. Que s’est-il passé pendant tout ce temps ?
Steve Rothery : Nous avons passé six mois sur les routes pour promouvoir l’album. Nous n’avons pas chômé. Aussi, nous organisons des conventions. Celles-ci durent tout un weekend. Nous en organisons quatre cette année : aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Pologne et au Chili. Cela demande de nombreuses semaines de préparation et de répétitions car à chaque convention nous faisons trois concerts avec des setlists qui diffèrent totalement.
A l’écoute de l’album, je ressens une forte mélancolie dans votre musique. D’où provient-elle ?
Steve Rothery : Notre musique est très cinématographique. Les paroles sont assez sombres globalement, surtout sur des morceaux comme Eldorado et The New Kings qui traitent de sujets politiques. Notre musique a toujours intégré cette dimension mélancolique. Cela nous vient tout naturellement au stade de composition, peut-être parce que c’est plus poignant à l’écoute. Nous sommes vraiment très fiers de ces nouveaux morceaux.
De nombreuses critiques font le lien entre cet album et des albums comme Afraid Of Sunlight et Marbles. Comment expliques-tu cela ?
Steve Rothery : Peut-être est-ce dû à leur aspect accompli. A chaque enregistrement d’un morceau, tu de demandes si tu en as tiré le potentiel maximal. Le rythme, la tonalité sont-elles bonnes ? Y ai-je passé suffisamment de temps ? Voilà des questions que nous nous posons constamment. Afraid Of Sunlight et Marbles rassemblent des morceaux très variés qui sont proches de la perfection. Je pense que nous pouvons être fiers du travail accompli sur ces trois albums.
Peux-tu rapidement parler des sujets abordés dans leur ensemble sur cet album.
Steve Rothery : Les paroles ont été écrites, en partie, il y a maintenant trois ans en réaction à ce qui se passait dans le monde à ce moment-là. Elles sont en partie un pressentiment de ce qui allait advenir et du prix que nous payons aujourd’hui. Eldorado parle de la participation de la Grande-Bretagne dans la guerre d’Irak et des répercussions : la crise des immigrants et le terrorisme. The New Kings parle des milliardaires russes qui détiennent les réserves de gaz. Ce morceau traite plus globalement des institutions qui exploitent le monde sans penser aux conséquences à long terme. Nous sommes attristés par tout cela.
J’avais été très impressionné par le morceau Gaza sur votre précédent album. Je suis de l’avis que vous vous êtes une nouvelle fois surpassés avec les titres Eldorado et The New Kings. D’où vient cette inspiration ?
Steve Rothery : La magie opère dans le groupe. Nous croulons sous les idées. Nous enregistrons beaucoup plus que ce dont nous avons besoin pour un album. Il nous reste de fabuleuses choses à exploiter dans le cadre d’un prochain album.
Tu annonces déjà le projet d’un futur album ?
Steve Rothery : Je ne sais pas trop (rires). Mais j’aimerais que nous sortions notre 21ème album un jour. Cela n’est donc pas impossible mais pas avant les trois ou quatre prochaines années.
Les deux titres principaux, The New Kings et Eldorado, sont divisées en plusieurs morceaux. Pour quelle raison avoir fait ce choix ? (Je ne comprends pas ta question : c’est quoi « les deux pièces principales ? », tu parles d’une maison ? )
Steve Rothery : Le fait que les morceaux soient divisés est lié à l’industrie musicale. A l’ère d’ITunes de nombreuses personnes ne souhaitent écouter qu’une partie des morceaux. Nous devons donc leur en donner la possibilité. Certains groupes le font d’ailleurs depuis le début des années 70 mais pour d’autres raisons. Ils étaient payés selon le nombre de morceaux inclus sur l’album. Telles étaient les mécaniques de l’industrie musicale.
Comment vous y êtes-vous pris pour l’écriture des morceaux sur FEAR ?
Steve Rothery : Quand nous composons de nouveaux morceaux, nous improvisons pendant plusieurs mois et enregistrons les meilleures idées. Nous les stockons sur un Soundcloud afin que nous puissions les écouter chez nous. A la suite, chacun d’entre nous doit établir son Top 10 ou 20. Nous réduisons de moitié et nous nous servons du reste pour aller en studio. Nous sommes ainsi sûrs d’être tous inspirés sachant que ces idées ont été sélectionnées par tous les membres du groupe au préalable. Certains morceaux mettent beaucoup de temps à voir le jour. Dans le cas de The New Kings, les premières idées ont germé il y a trois ans.
L’Elysée Montmartre vient de rouvrir ses portes. Vous allez vous y produire prochainement. Que vous procure-t-il de vous produire à Paris ? Que ressentez-vous à l’idée de vous produire de nouveau à Paris ?
Steve Rothery : Paris est l’une de nos villes préférées dans le monde. Tous nos concerts ont été fabuleux depuis les premiers ayant eu lieu dans de minuscules clubs jusqu’au passage à Bercy devant 15 000 personnes en 1987. Cela a toujours été magique. Cela transcende les concerts habituels. Nous vivons la même chose aux Pays-Bas. Cela est assez difficile à expliquer. Quelque chose d’unique nous lie au public.
J’ai sélectionné deux albums live. J’aimerais que tu me dises quelques mots à leur sujet.
Made Again, sorti en 1996 :
Steve Rothery : Il s’agit du premier album live avec Steve. (Hogarth). C’était peu avant la fin du contrat avec EMI. C’était un très bon live. C’est assez étrange d’écouter certaines (manque un E) des versions car nous les jouions plus vite que nous le faisons aujourd’hui. Nous revenons ainsi à leur rythme d’origine.
Brave Live 2013 :
Steve Rothery : Il a été enregistré lors d’une convention. C’est un exercice difficile que de réapprendre à jouer l’album dans son intégralité. Nous y prenons plaisir mais cela représente un vrai challenge. A la différence d’autres groupes, je nous considère comme étant plus performant sur scène. Il arrive qu’un morceau joué en live surpasse la version de l’album. Je pense que cela a été le cas sur cet enregistrement.
Avez-vous déjà testé l’un des nouveaux morceaux sur scène ?
Steve Rothery : Oui absolument ! Nous avons joué The New Kings cet été. Cela s’est très bien passé, même si là aussi le challenge est assez important car le morceau dure 17 minutes. A Barcelone, nous avons eu droit à une standing ovation.
Quel est ton album préféré de l’ère de Steve Hogarth ?
Steve Rothery : C’est une question difficile. J’en citerais plusieurs : notre nouvel album FEAR, Marbles, Afraid Of Sunlight… (il marque une courte pause). Il faut savoir qu’avec le départ de Fish fin des années 80, la plupart pensaient que le groupe n’avait plus d’avenir. Nous sommes donc fiers d’avoir pu sortir des albums de ce calibre à la suite.
Propos recueillis par Thorsten Wollek