Au lendemain de leur concert à la Flèche d’Or, Clemens et Philipp de Milky Chance ont accepté de répondre à nos questions à l’occasion de la sortie de leur premier album, Sadnecessary, déjà un carton en Europe. Portrait de ces jeunes représentants de la nouvelle scène germanique.
Les yeux collés, les cheveux en bataille, la bouche pâteuse, Clemens et Philipp viennent doucement à notre rencontre dans le hall d’un hôtel parisien. Visiblement, la soirée a été dure. S’ils baillent à s’en décrocher les machoires, c’est qu’ils ont assuré un super concert à la Flèche d’Or, et qu’ils ont dut se terminer gentiment. Mais la fatigue est peut-être due à une course à la promo depuis plusieurs semaines (Sadnecessary étant sorti le 12 mai dernier) : radio, télé, interviews presse… À seulement 21 ans, le duo connaît ainsi la rançon de la gloire.
Une richesse musicale
Si jeunes et déjà si musicalement matures. Ils étaient au lycée, Philipp jouait de la guitare dans un groupe de jazz manouche. Clemens le rejoint pour apprendre également la guitare et les deux potes créent plus tard le projet Milky Chance. « À la fin de nos études, au lieu de partir voyager un an à l’étranger comme tous les étudiants allemands, on s’est posé et on a commencé à créer notre musique. » nous confie Philipp, plus réservé sur scène qu’en interview. « On l’a dit à nos parents, ils ont su qu’on partait en tournée et ils nous ont encouragé. »
Leurs sources d’inspiration pour produire cette folk-electro-reggae ? Elles viennent de là, elles viennent d’internet. « On n’a pas vraiment fait de grands voyages » nous dit Clemens « mais internet nous permet d’écouter tant de musiques, de rythmes différents provenant du monde entier. Pourtant les couleurs dans le son de Milky Chance, dans la voix de Clemens et sur la pochette de Sadnecessary pourraient nous induire en erreur. On y voit le reflet d’une scène reggae allemande importante, dont l’artiste Patrice est l’un des ambassadeurs. « Le reggae est à l’opposé du mode de vie allemand. Mais les gens sont cools, ont envie de se retrouver pour se détendre et jouer de la musique ».
Un parfum de liberté se dégage des titres de ce premier album : l’évasion, la nature, le bons roadtrip entre potes. C’est ce besoin de liberté qui a poussé Milky Chance à monter dans la foulée leur propre label, Lichtdicht Records. Philipp nous raconte « nous avons emprunté de l’argent à nos parents, à nos amis, on a vendu nos voitures et plein d’autres trucs. Un sacrifice qui en valait la peine puisque nous avons un vrai pouvoir de décision, ce qui est plutôt difficile dans l’industrie musicale d’aujourd’hui. »
Romantisme et Freres Grimm
C’est aussi de leur ville d’origine, Kassel (ou Cassel), que vient ce côté roots et cette fascination qu’ils ont pour le merveilleux. Véritable décors de contes de fées (c’est d’ailleurs le bled où ont vécu les frères Grimm), ils ont grandi dans cette cité où s’étendent châteaux somptueux et forêts immenses. Un endroit où il semble faire bon vivre, et pourtant les gars ont besoin de se plonger dans la mélancolie pour être plus créatif.
« La tristesse est le sentiment le plus profond qu’il soit » affirme Philipp, « c’est un sentiment plus intéressant, qui touche plus les gens. Nous sommes des gens heureux, mais la tristesse reste de loin un moyen d’expression unique lorsqu’on fait de la musique. » Faire danser les foules d’Allemagne, des Pays-Bas, de Suisse, et maintenant de France, du Royaume-Uni, demande donc d’être mal pour écrire et composer. Sadparty qu’on appelle ça…
Ces deux-là n’ont pas chômé pour préparer cet album : six mois d’écriture et de composition, trois semaines pour l’enregistrement et trois semaines pour le mixage. L’album sort, c’est le raz de marée. YouTube fait son taf avec des millions de clics, les labels font la queue pour les signer. Désormais on les entend partout et ils n’ont pas fini de faire parler d’eux.
Avec des apparitions dans les grands festivals d’Europe cet été, en particulier les gros en Allemagne, Milky Chance va encore faire bouger du monde et délivrer leurs messages rêveurs dans la plus pure coolitude germanique.
Propos recuillis par Romain Hemelka – Photos de Carsten Wilde