Après la sortie de 6 Feet Beneath The Moon un premier album salué par la critique, Archy Marshall, alias Zoo Kid alias King Krule, part à la conquête du monde. Après Jake Bugg, l’Angleterre s’est découvert un nouveau phénomène de 19 ans aux cheveux roux, à la voix profonde et au génie musical inouïe. King Krule remplissait à ras-bord Trabendo vendredi dernier et offrait une prestation de qualité.
Le concert de King Krule affichait complet au Nouveau Casino. Si complet qu’il a fallu trouver une salle un peu plus grande, le Trabendo, pour la venue de l’artiste. Et encore : la demande de billets sur le net et à l’extérieur laissait à penser qu’on aurait pu miser sur une salle dont la capacité d’accueil aurait été encore plus importante. Qu’importe ! Archy Marshall aura pris plaisir à jouer dans un endroit bien plein et tellement intimiste.
Jeunesse et rage, rock décomplexé et tenues vestimentaires douteuses, ce sont les points communs entre King Krule et le groupe en première partie du show, Filthy Boy. Quatre anglais pas très causants ni trop souriants, mais qui envoient du bon rock indie, alternant rythmes posés et plus entrainants. Sept titres et puis s’en vont. Une belle découverte qui incarne peut-être déjà la relève de la scène britannique.
Lorsque Archy Marshall monte sur scène à 21H10 suivi de ses trois musiciens en costard-cravate, on découvre le même petit rouquin présent dans ses clips, portant le costume un poil trop grand mais qui ne paraît pas impressionné par la foule massée à ses pieds. On se rend compte au son du « Bonne-jour » de sa voix grave, cette voix qu’on aime ou qu’on déteste mais qui ne laisse personne indifférent. Cette voix si particulière et impressionnante tant elle est basse et pénétrante.
Ce qui paraît surtout frappant, c’est le jeu d’Archy. Armé d’une guitare blanche, ses doigts glissent sur les cordes, les gratouille et chatouille sans ménagement. Son registre musical semble infini tant les compositions partent du jazz, de la soul, du blues, se prolongent jusqu’à l’electro et le downtempo en passant par le rock indie et le darkwave.
L’œuvre de King Krule est en effet bien sombre : on le ressent dans sa musique, dans sa voix, dans ses textes. Son rock torturé contraste parfois avec la beauté des mélodies et des accords. C’est l’impression que l’on a en tout début de set avec les trois morceaux Has This it ?, Ceiling et Bleake Bake.
Sur ce dernier, il pose sa guitare, boit une gorgée de bière et prendre le micro en main. Archy se trémousse et pose ses lyrics tel un rappeur, avec la même gestuelle. Le batteur est bon, le bassiste et le deuxième guitariste poussent le chanteur à se défouler sur le micro. Il fait de même sur le titre suivant, Ocean Bed. Les premiers rangs bougent la tête avec acharnement.
King Krule a déjà compris que pour donner une dimension live à son album, il doit surprendre. C’est ce qu’il entreprend à la perfection lorsqu’il interprète seul avec sa guitare des bouts de chansons comme sur The Krockadile, ou lorsqu’il jam avec ses musicos comme sur les excellents titres Greyscale et The Noose of Jah City. Archy Marshall présente ses musiciens au beau milieu du morceau. Le batteur est acclamé et la foule se laisse aller à bouger les hanches et les épaules.
Ambiance jazzy avec les chabadas du batteur sur A Lizard State (on entendrait presque le saxo) et atmosphère blues rock sur Baby Blue, King Krule termine en beauté avec les trois plus gros morceaux de 6 Feet Beneath The Moon : Rock Bottom, Out Getting Ribs et Easy Easy, trois titres explosifs remplis d’émotions, qui valent au groupe une belle salve d’applaudissements et un rappel. Les musiciens ne tardent pas à refaire leur apparition. Le batteur prend alors la parole pour raconter que c’est en France qu’on leur a demandé pour la première fois un « Encore » . Il annonce que le groupe va jouer le nouveau titre qui paraîtra sur le prochain album d’Archy, une chanson intitulée « Looloona »… « a kiss à la lune », précisera Mister Marshall.
Si jeune et déjà si mature sur scène. Un gosse qui s’éclate et propose un vrai show au public sans complexe ni chichi. Certes le concert n’a duré qu’une heure, mais King Krule a convaincu ses fans de son talent hors norme. À l’image d’un Alex Turner des Arctic Monkeys, dont la première apparition en France fut au Trabendo, il est authentique, écrit la réalité d’un quotidien loin d’être rose, chante à s’en sectionner les cordes vocales et possède la capacité d’explorer des genres musicaux très divers avec brio. Un nouvelle pépite du rock anglais vient d’éclore.
Chronique : Romain Hemelka – Photos : Florian Denis (http://www.floriandenis.com)