THE BLOODY BEETROOTS @ L’Olympia, Paris, 08 Novembre 2013
En 2009, un projet électro made in Italia cassait la baraque avec un savant mélange de punk et de house. Porté par le succès du désormais classique Warp 1.9, Bloody Beetroots est un projet organique… et brumeux. Pour résumer il n’est pas imprudent d’affirmer qu’une vaste fanbase nourrit une certaine fascination pour les mystérieux Bloody Beetroots. Bloody Beetroots étant le cache- sexe de Sir Bob Cornelius Rifo. Ce nom étant le pseudonyme de l’énigmatique producteur et leader Simone Cogo. Lui- même et son band n’apparaissant jamais sur scène sans l’emblématique masque de Venom. Venom étant la forme dark de Spideman, suite à sa contamination par une substance extra- terrestre. Originaire de l’espace, donc, comme semble provenir le son de Bloody Beetroots, d’autant plus difficile à définir que leur second album contient une palette de titres très éclectique. C’est donc armé de nouveaux morceaux que le groupe présente The Bloody Beetroots Live, tournée-concept qui a traversé la saison des festivals et pris ses quartiers à l’Olympia vendredi soir.
Arrivés dès l’ouverture des portes, les jeunes spectateurs de l’Olympia savaient qu’ils passeraient une bonne soirée. Manifestement la réputation scénique de The Bloody Beetroots, tout comme l’excitation qui entourait la sortie de HIDE en septembre, les précédaient. Or ce n’était pas exactement le cas de la première partie, assurée par Panteros 666. Membre du Club Cheval, le DJ parvint à mobiliser l’Olympia avec des extraits de son album solo. Ce qui n’était pas acquis, car les trois-quarts de l’auditoire n’appartenaient pas exactement au public du Club Cheval. Malgré tout, la fosse se montra réceptive au mix aux allures hardtek et au VJ- ing kitsch du DJ à la mèche bleue. Scandant « MOU- STACHE ! MOU- STACHE ! », elle encouragea Panteros jusqu’à ce que l’impatience la gagne. L’annonce d’une entracte après le set de Panteros 666 suscita des huées de lassitude.
Et puis les premières notes d’un synthé retentirent et rendirent la foule hystérique. Au fond de la scène, le néon dessinant « The Bloody Beetroots Live » scintilla, alors que Sir Bob Cornelius, Battle (synthés) et l’imposant Edward Grinch (batterie) s’installèrent. The Bloody Beetroots ouvrirent le bal avec Spank, l’un des titres qui ont annoncé la sortie de HIDE. Si pour certains Spank incarne une forme de facilité dans laquelle Rifo se serait engouffré, le public, lui, fut littéralement en transe. Après avoir lancé « You wanna dance ? » à la fin de l’intro de « Spank », le leader exécuta un saut, alors que les yeux de son masque récemment re-designé clignotèrent. C’était un tableau sophistiqué et dynamique.
Si l’enchaînement de tous les titres relevait davantage du studio que du live, le jeu de scène et l’énergie des musiciens compensaient une performance en demi- teinte. La silhouette reptilienne de Bob Rifo se détachait, passait du micro au piano à queue, à la guitare, effaçant de son sourire l’aspect illusoire du live. La qualité de la musique de Bloody Beetroots s’en ressent. A l’image des albums de DJ à la mode, HIDE comporte énormément de featurings. Présentés sans leurs intervenants respectifs, les titres perdent en relief, bien que l’on imagine que Paul McCartney ou même Theophilus London avaient d’autres chats à fouetter. A une exception près : de manière tout à fait inattendue, Penny Rimbaud déclama sur scène son poème sur l’instrumental de The Furious. Présence déroutante que celle de cet artiste anarchiste davantage connu des esthètes que des jeunes qui s’adonnaient à une joyeuse bagarre dans la fosse.
Mais nos Sanglantes Betteraves ont tout de même gratifié leur public d’authentiques instants live. L’interprétation de Keep on dancing, composé avec et chanté par Drop The Lime (vous savez, ce DJ new- yorkais notamment auteur de Hot As Hell, ce titre mi- house, mi- rockabilly paru en 2010…? Ah non…?) marqua un moment rock’n’roll. Dans un registre minimaliste et punk, la reprise de New Noise fit particulièrement honneur à l’hymne anarchiste des mythiques Refused. Là encore, le clin d’oeil – le chanteur de Refused a collaboré avec Bloody Beetroots et participé à leur tournée Church Of Noise – retomba presque comme un soufflet.
Bref, les performers ne laissèrent aucun répit aux spectateurs, maîtres du répertoire de Bloody Beetroots. Tout y passa : The Beat, l’efficace Mystery Meat, Dimmakmmunication, Escape, des créations les plus commerciales aux plus underground, mais toujours taillées pour le dancefloor. A son tour Volevo un gatto nero (You promised me) mit tout l’auditoire en transe. Régulier de bout en bout, l’incroyable Grinch tabassait les fûts avec puissance.
Conçu avec précision et ressemblant quasiment en tout point au live donné à Rock En Seine l’été dernier, le concert s’avéra, paradoxalement, plus orienté vers la dimension instrumentale de Bloody Beetroots. Après un rappel, le live finit comme il a commencé : dans la bonne humeur, sous les hurlements des fans et avec Spank. Tandis que la salle s’illuminait et se vidait, les spectateurs découvraient le sol de l’Olympia après la bataille. Et cessèrent très vite de compter les un-deux gobelets vides, bonnets et pulls égarés qui jonchaient le sol. Peu importe. Il était encore temps de danser. « ONE, TWO – WOOP WOOP ».
Chronique : Cindy Liwenge / Photos : Yann Buisson