Interview Sabaton (Pär Sundström)
Le groupe de power métal suédois Sabaton vient de sortir son neuvième album The Great War, un album concept consacré à la Première Guerre mondiale. Passionné d’histoire, le groupe vient également de lancer sa propre chaîne YouTube, le Sabaton History Channel. A cette occasion, nous avons rencontré Pär Sundström, fondateur et bassiste du groupe. Un cours d’histoire ? Pas d’inquiétude, nous avons également parlé musique !
Votre précédent album The Last Stand est paru il y a trois ans. Quel regard portes-tu sur cet album avec le recul ?
Pär Sundström : L’accueil réservé à l’album a été très bon ! L’album couvre deux mille ans d’histoire. Nous avions donc l’embarras du choix et avons pioché dans diverses périodes de l’histoire. L’album The Great War, quant à lui, ne couvre que quatre années de l’histoire de l’humanité.
A quoi peuvent s’attendre vos fans à l’écoute de The Great War ?
Pär Sundström : Nous ne sommes pas du genre à surprendre notre public. Cela fait 20 ans que nous jouons le même style de musique. Les fans savent donc à quoi s’attendre au moment de la sortie d’un nouvel album. Cette fois-ci, les changements se sont opérés à d’autres niveaux. Nous avons changé de studio d’enregistrement. Aussi, d’autres membres du groupe ont été mis à contribution dans la composition. Et surtout, il s’agit d’un album concept sur la Première Guerre mondiale.
Pour quelle raison avez-vous décidé de dédier cet album à la Première Guerre mondiale ? Vous vous êtes frottés à cet épisode de l’histoire auparavant, notamment sur le morceau The Lost Battalion.
Pär Sundström : Tout d’abord, cela colle bien à l’esprit de Sabaton. Cette période nous passionne particulièrement. De plus, nous commémorions le centenaire de la fin de cette guerre au moment où nous finalisions son enregistrement.
Que peux-tu nous dire au sujet de la Première Guerre mondiale, sachant que vous vous êtes énormément documenté pour l’écriture de l’album.
Pär Sundström : Tout d’abord, la Première Guerre mondiale est éclipsée par la Deuxième Guerre mondiale. L’attention se porte plus sur cette dernière dans les médias, les films, les ouvrages ou encore les jeux vidéo. Aussi, la Première Guerre mondiale est moins connue. Il ne reste aucun soldat survivant pour en parler. Nous avons découvert de nombreux faits à l’occasion des recherches pour cet album. A l’inverse, nous connaissons la majorité des histoires issues de la Deuxième Guerre mondiale.
Vous rendez hommage aux soldats qui se sont battus. Est-ce difficile d’aborder cette période ?
Pär Sundström : Nous avons fait équipe avec l’historien américain Indiana’Indy’ Neidell. Il nous vient en aide pour notre chaîne YouTube. Il est à l’origine de l’un des documentaires récents sur la Première Guerre mondiale. Grâce à lui, nous avons eu accès à une multitude de sources d’information. Cela nous a facilité l’accès aux informations et par conséquent l’écriture des chansons. La difficulté résidait plutôt dans le choix des thèmes, le nombre de chansons étant limité sur un album.
Qualifierais-tu cet opus comme un album concept ?
Pär Sundström : Il ne s’agit pas d’un album concept à proprement parler. Je classerais plutôt l’album Carolus Rex (2012) dans cette catégorie, car il retrace chronologiquement l’histoire contemporaine de la Suède. Chaque chanson est le commencement et la suite d’une autre. Sur The Great War, elles ne sont pas directement reliées les unes aux autres et ne suivent pas une chronologie.
De quelle manière la thématique influence-t-elle la composition ?
Pär Sundström : Le processus démarre par le choix du sujet. Cela inspire la composition et la direction que va prendre le morceau musicalement. Enfin, nous ajoutons les paroles. Pour The Great War, nous souhaitions inclure quelques morceaux plus sombres, car cette guerre a été brutale et sombre. Et puis, il nous fallait également des titres plus réjouissants pour garantir une certaine dynamique sur l’album.
Tu citais l’historien Indiana’Indy’ Neidell précédemment. Comment l’avez-vous connu ?
Pär Sundström : Il était en charge d’une série de documentaires sur la Première Guerre Mondiale. J’ai fait sa connaissance lors du tournage d’un épisode il y a quelques années. Je l’ai recontacté au moment de l’enregistrement de l’album The Great War, car son projet était arrivé à échéance. Nous lui avons donc proposé de lancer la Sabaton History Channel avec son aide.
D’où vient l’idée de cette chaîne YouTube ?
Pär Sundström : Notre premier album Primo Victoria (2005) parlait de guerres historiques. A cette époque, les gens achetaient encore beaucoup de CD. Nous utilisions le livret pour donner un peu de contexte historique à chaque morceau. Nous avions des retours très positifs de fans disant qu’ils étaient très contents d’en apprendre davantage sur l’histoire tout en écoutant notre musique. Nous parlions déjà d’un éventuel projet de film ou documentaire à cette époque pour aller plus loin dans la démarche et donner du contexte aux chansons. Mais nous avions écarté ce projet pour des raisons de ressources budgétaires et de logistique. Entre temps, nous sommes en mesure de le faire.
Comment assurer la véracité des faits et des propos dans chaque épisode ?
Pär Sundström : Nous sommes entourés d’une équipe de trois historiens, dont deux se chargent des recherches et le troisième s’occupe de l’écriture du script.
Fiels Of Verdun est l’un des titres les plus forts de votre carrière. Cette bataille fut l’une des plus meurtrières de l’histoire. Comment avoir abordé cet épisode dans ce morceau ?
Pär Sundström : Les paroles d’un morceau ne se résument qu’à quelques mots. Nous avons donc fait le choix de nous focaliser uniquement sur le commencement et les premiers bombardements. Il est difficile de se rendre compte de ce que les soldats ont pu vivre et ressentir. Nous avons comparé cela à l’impact d’un tremblement de terre. Une chanson ne laisse que peu de place aux idées. Nous avons donc fait le choix d’accompagner ce titre par un épisode sur notre chaîne YouTube pour apporter des informations contextuelles. Cette chaîne a été conçue de façon à rendre l’information accessible à tous. Ces épisodes permettent d’en apprendre suffisamment sur le contexte historique et d’être en mesure d’en parler autour de soi.
Pour la promotion du disque, vous avez donné rendez-vous à la presse sur les champs de bataille meusiens. Parle-moi de cette expérience.
Pär Sundström : Habituellement, nous organisons des événements en Suède ou en Allemagne dans les locaux de notre label. Cette fois-ci, nous voulions donner plus de symbolique au lancement et donner de la matière aux journalistes. Nous l’avons également fait pour notre égo (rires). Nous n’avions jamais mis les pieds à cet endroit auparavant. Certains membres du groupe étaient submergés d’émotion, cette expérience ayant été très intense. La visite à Fleury-devant-Douaumont m’a particulièrement ému. Le village a été entièrement détruit et est aujourd’hui couvert de forêt.
Le single Bismarck ne figure pas sur l’album. Pour quelle raison ?
Pär Sundström : Le groupe fête ses 20 ans d’existence. De nombreux fans nous demandaient ce que nous prévoyions à cette occasion. Nous avons décidé de ne pas faire de rétrospective mais de plutôt regarder en avant. Aussi, nous souhaitons remercier nos fans en leur offrant quelque chose de spécial. Nous avons reçu de nombreux courriers de fans nous demandant de parler de tel ou tel sujet dans nos chansons. La sort du navire Bismarck a été fréquemment abordé. Nous avons donc décidé d’en faire une chanson.
Vous avez mis les moyens pour le clip. Aviez-vous le mal de mer lors du tournage ?
Pär Sundström : Non, mais nous avions très froid. Nous avons eu le soutien des jeux vidéo World War Ships pour les animations. Nous n’aurions pas pu produire ce clip sans leur aide.
Au-delà de l’écoute de l’album, vous prolongez l’expérience avec cette série de documentaires et de différentes éditions.
Pär Sundström : Je recommande aux auditeurs ayant apprécié d’écouter l’intégralité de l’album d’aller jeter un coup d’œil à notre chaîne historique. Nous publions également une version orchestrale de l’album qui intègre d’autres musiciens. C’est un moyen d’écouter l’album au bureau sans taper sur les nerfs des collègues (rires).
Propos recueillis par Thorsten Wollek / Photos : Benjamin Genet