Interview de Beth Hart
Nous avons eu l’honneur de nous entretenir avec la chanteuse américaine Beth Hart pour la sortie de son neuvième album Fire On The Floor. Un entretien dans le cadre magnifique du show-room de Gibson, la marque de guitares. Très généreuse et sensible, Beth Hart n’a pas hésité de se livrer à nous en versant quelques larmes au cours de l’interview. Plus récemment, elle a collaboré avec Jeff Beck et Joe Bonamassa. Elle jouit d’une importante notoriété en France depuis 2012. Une belle rencontre qui restera dans nos annales. Beth Hart sera en tournée en France en décembre.
Ton nouvel album a vu le jour en octobre dernier. Quels sont les retours de la part de tes fans ?
Beth Hart : A vrai dire je ne me préoccupe pas vraiment des commentaires faits sur les réseaux sociaux. Etant une personne très sensible, je ne souhaite pas que cela ait des effets néfastes sur moi. Les retours que m’en font les amis me suffisent amplement, qui, de surcroît, sont très bons ! Les retours de la presse sont également excellents. Depuis que je fais de la musique, j’essaie d’intérioriser le fait que ce n’est pas parce que les avis sont bons que le travail l’est également. L’inverse s’applique aussi. Et il en est de même dans la vie ! Si certaines personnes ne t’apprécient pas, cela ne veut pas pour autant dire que tu es une mauvaise personne. Il est important d’avoir ça à l’esprit en tant qu’artiste. Il ne faut pas se juger uniquement à partir des réactions des gens autour de toi.
Revenons rapidement sur ton précédent album Better Than Home sorti seulement l’année dernière. Avec le peu de recul que tu as, que peux-tu me dire à son sujet ?
Beth Hart : C’est très certainement l’un de mes meilleurs albums à date en ce qui concerne la qualité d’écriture. Il a pourtant vu le jour dans de conditions très difficiles. Ça a été très brutal. : Michael Stevens, l’un des producteurs, est décédé durant les enregistrements… (Beth Hart, très émue, s’arrête de parler un instant et verse quelques larmes). Nous avons enregistré l’album en une semaine. J’ai appelé mon label pour leur demander d’enregistrer un autre album dans la foulée. Ils ont été surpris, sachant que Better Than Home n’était pas encore en phase de mixage. Mais ils ont tout de même accepté et je suis retournée en studio pour l’enregistrement de Fire In The Floor.
Pourquoi avoir enregistré cet album dans la foulée ?
Beth Hart : Il me restait un grand nombre de morceaux qui étaient destinés à l’origine à l’album Better Than Home, mais les producteurs n’en étaient pas très satisfaits. Ils m’ont dit que le timing n’était pas bon pour sortir ces morceaux. J’ai donc souhaité les enregistrer quand même en vue d’un nouvel album. Nous avons passé seulement trois jours en studio et ce grâce au groupe formidable de musiciens réunis par mon producteur.
Sur des titres comme Jazz Man et Coca Colaont on t’entend chanter dans un style plus jazz. C’est un registre plutôt nouveau pour toi ?
Beth Hart : Pas tout-à-fait. Sur Swing My Thing Back Around sur l’album Bang Bong Boom Bomm, sur Don’t Explain extraite de l’album du même nom, ou encore sur ma reprise de Chocolate Jesus de Tom Waits on m’entend chanter dans un registre jazz.
De quoi parle la chanson titre Fire On The Floor ?
Beth Hart : Il s’agit d’une expérience vécue à laquelle de nombreuses personnes peuvent s’identifier. Il arrive qu’une personne proche de vous ait une très mauvaise emprise sur vous et inversement. Mais ces deux personnes continuent pourtant à être attirées l’une vers l’autre. Je me suis servie de la métaphore du feu qui oblige à quitter les lieux.
Deux morceaux sortent clairement du lot sur l’album : le premier est Love Gangster…
Beth Hart : J’ai une petite histoire au sujet de ce morceau. L’un de mes thérapeutes haït tout ce que j’écris (NDLR : Beth Hart suit une thérapie à la suite de ses problèmes de drogue et d’alcool).Un jour, nous avons discuté des relations qu’entretiennent les jeunes femmes avec les mecs et du lien que cela a avec la relation de ces filles avec leur propre père. J’ai écrit un morceau à ce sujet et j’étais à la recherche d’un titre. En tombant sur une interview de Leonard Cohen, à qui la journaliste demandait comment il avait pu abandonner l’alcool, les cigarettes et les femmes en décidant de se retirer dans un monastère pendant plusieurs années, Leonard Cohen lui a répondu : « I am not some kind of a love gangster ». Je n’aurais jamais pensé que le morceau verrait le jour. Je l’avais seulement écrit dans le cadre de ma thérapie. Mon thérapeute l’a adoré.
L’autre titre est No Place Like Home, peut-être l’un de tes plus beaux morceaux…
Beth Hart : Je passe beaucoup de temps en tournée accompagnée de mon groupe et de mon mari. Ce morceau fait référence à mon aspiration pour les choses simples de la vie qui me font retourner aux choses essentielles, tel que me balader dans mon jardin et jouer avec mon chien.
De quelle manière as-tu évolué en tant qu’artiste depuis tes débuts ?
Beth Hart : Au départ, je ne faisais que composer la musique, car je ne maitrisais pas l’écriture des paroles. C’est seulement à l’âge de 14 ans que j’ai commencé à écrire des textes. A la même époque, j’écoutais des artistes comme Ella Fitzgerald, Billie Holiday et Frank Sinatra. Ils chantaient des titres de très haut calibre, tant au niveau de la composition que des paroles. Je me disais qu’un jour je serais peut-être à cette hauteur-là. Je ne me considérais pas comme une bonne chanteuse et n’appréciais pas spécialement ma voix. J’ai donc énormément travaillé. A la fin de ma trentaine, ma voix est devenue plus grave et pour la première fois j’ai appris à l’accepter. Le travail avec Joe Bonamassa m’a également beaucoup aidée à m’améliorer dans la composition. Il m’a introduit dans un registre jazz et blues grâce aux reprises que nous avons faites sur scène.
Tu as croisé la route de Jeff Beck à plusieurs reprises ces dernières années…
Beth Hart : Nous avons pas mal bossé ensemble ces dernières années. Il a fait appel à moi lors de l’une de ses tournées aux Etats-Unis. Nous avons également partagé la scène lors de la récompense du centre Kennedy en 2012 en hommage à Buddy Guy en présence de Barack Obama. Plus récemment, il a joué sur un des morceaux de mon album Better Than Home et en août dernier il m’a invitée à son concert au Hollywood Bowl.
Comment le décrirais-tu en tant qu’être humain ?
Beth Hart : Il met énormément d’enthousiasme dans ce qu’il fait. Il est très humble aussi. C’est ce explique probablement pourquoi il joue si merveilleusement de la guitare. C’est quelqu’un de profondément gentil et de respectueux.
En décembre dernier, tu as donné un concert à l’Union Chapel à Londres. Selon les critiques que j’ai pu lire, cette soirée fut spéciale pour toi…
Beth Hart : C’était la première fois que j’assurais un concert toute seule sur scène. J’étais terrifiée ! Ça a été un concert très intimiste et émouvant.
Ton succès en France est récent. Comment expliques-tu ce revirement soudain il y a quatre ans ?
Beth Hart : En raison de ma dépendance à la drogue étant plus jeune, aucun label américain ne voulait signer de contrat avec moi. Seuls deux pays m’ont accueilli, la Nouvelle-Zélande et les Pays-Bas. Les fans néerlandais ont été formidables avec moi. C’est finalement assez étrange et difficile d’expliquer les raisons de cet engouement soudain. Quelque chose nous a connectés dès le départ. En ce qui concerne la France, il ne s’est rien passé pendant de nombreuses années, alors que j’aurais adoré venir y jouer plus tôt. La même chose s’est donc produite en France il y a quatre ans pour des raisons que j’ignore.
La sélection des morceaux joués sur scène change chaque soir. Pour quelle raison ?
Beth Hart : Ça serait beaucoup trop ennuyeux de faire le même show soir après soir. Le groupe est moi aimons l’imprévu. Cela crée une tension qui se transforme en une énergie très positive. C’est également intéressant pour le public de nous voir prendre des risques. Ça donne une dimension plus humaine à nos concerts.
Beth Hart sera en tournée en France : le 30/11 à Lille (complet), l e02/12 à Cléon (complet), le 03/12 à Bordeaux, le 05/12 à Clermont-Ferrand, le 07/12 à Aix-en-Provence, le 08/12 à Chateaurenard, le 10/12 à Ris Orangis (complet) et le 13/12 à Paris (Olympia).
Propos recueillis par Thorsten Wollek / Photos : Michela Cuccagna