Damon Albarn donnait un concert événement lundi soir dans la petite salle de l’Alhambra pour présenter son tout premier album solo Everyday Robots. Avec une large palette de projets musicaux divers et variés (Blur, Gorillaz, The Good,The Bad & The Queen, Rocket Juice and The Moon et j’en passe…), l’une des icônes pop-rock britannique a gratifié le public parisien d’un merveilleux show de deux heures avec 8 titres du nouvel album, 11 provenant de ses différents groupes et de nombreuses surprises.
La petite aiguille indique le 9, la grande le 5 à ma montre. L’impatience se fait ressentir, même si le gentil DJ portant une coiffe indienne nous a offert un set d’une heure de sons électro, house et trip pop pour se mettre dans l’ambiance. Une toile de fond bleu nuit porte une étoile presque semblable a l’étoile de David, de même que le clavier disposé sur scène. Dans l’intimité du lieu (la capacité d’accueil de l’Alhambra est de 600 places), Damon Albarn apparaît dans un costard-cravate noir, le sourire fendu jusqu’au deux oreilles.
Dr Damon et Mister Albarn
En plus s’être entouré d’excellents musiciens surnommés The Heavy Seas, dont l’un des membres ressemble étrangement à Pharell Williams (chapeau compris), Damon Albarn s’octroie la présence d’un quatuor de cordes féminin, le « Paris quartet ». Il s’empare d’une bouteille d’eau et asperge la fosse bien tassée. C’est le genre de délire qu’il s’amusera à répéter plusieurs fois dans la soirée. Le public qui ressent la chaleur étouffante de l’Alhambra en redemande.
La musique démarre au son de Lonely Press Play. Mister Albarn se tient droit comme un I, la main sur le micro, l’autre dans la poche. La foule ne cache pas son excitation lorsqu’il enchaine au clavier avec le premier single Everyday Robots de son sublime premier album éponyme. Un album qui véhicule des sentiments de mélancolie et de solitude, les mêmes sentiments que le songwriter parvient à transmettre derrière son clavier.
Changement radical d’ambiance lorsqu’on reconnaît les premières notes issues de son mélodica, hybride entre mini piano et harmonica, instrument fétiche du musicien. Ça sent le Gorillaz à plein nez, alors la foule se met à crier. Tomorrow Comes Today est le premier titre du groupe cartoon, dont le dessinateur Jamie Hewlett est assis au balcon. Dr Damon jouera également Slow Country, Kids With Guns où les fans se transcendent, et El Manãna, avec des versions live qui dépotent.
Damon & Co
Le chaos de Gorillaz alterne avec la délicatesse de Damon Albarn solo. La voix du chanteur est impeccable, précise et chargée d’émotions. Hostiles à la guitare électrique, You and Me à la sèche et Hollow Ponds et Photographs au piano. Le jeu de lumière illustre à merveille ses dernières compositions musicales. Quelques briquets s’allument. On sent toute la complicité entre Damon et ses musiciens, qui transmette également des choses, comme ce solo de violon d’Hollow Ponds qui donne le frisson.
Un concert comme on en voit plus : au beau milieu du concert, Tony Allen, que Damon cherchait quelques instants plus tôt au balcon, arrive sur scène. À 73 ans, ce batteur mythique et ami d’Albarn, s’installe à la batterie sans faire de bruit pour le plus grand amusement de Damon Albarn qui n’en revient pas. Ils joueront deux titres coup sur coup de deux des formations dans lesquelles ils ont évolué ensemble : Kingdom of Doom de The Good, The Bad and The Queen, et Poison de Rocket Juice and The Moon (« Tu t’en souviens Tony ? »), superbe titre joué à l’origine avec le légendaire bassiste des Red Hot Chili Peppers, Flea. Le public est aux anges. Allen quitte la scène dans le vacarme, juste après qu’Albarn ne lâche « Eh Ton, on s’boit un verre après ? »
Les deux derniers titres de la première partie du show sont un clin d’œil au groupe qui a tout déclenché. Out of Time de Blur met l’accent sur la puissance vocale du génie seul au clavier. Et lorsqu’il se loupe, la foule le chahute gentiment mais ne lui en tient pas rigueur. Les groupies chantent à tû-tête et se mettent un peu plus en transe lorsque Damon enfile son costume de rockeur pour interpréter All Your Life, « une vieille B-Side », je cite, qui fait encore monter l’ambiance d’un cran avant le rappel.
Damon Albarn revient devant le public et demande à un artiste français, un certain « Exmo », de le rejoindre. C’est alors qu’Oxmo Puccino fait son entrée. Albarn plante le décor en reprenant son melodica pour introduire Clint Eastwood et les fans s’enflamment, toutes les mains sont en l’air. Le rappeur français couvre les parties en anglais avec son flow, sous les yeux admiratifs du chanteur de Gorillaz qui hoche la tête. Une petite chorale gospel prend place à son tour et assure les chœurs sur Mr Tembo, le morceau le plus remuant de Everyday Robots qui entraîne tout l’Alhambra à bouger son corps, puis sur Heavy Seas Of Love.
La soirée s’achève avec un dernier titre, de Blur cette fois-ci. This is a Low, dans une version très instrumentale, clôt avec la plus grande douceur ce concert extraordinaire. Après avoir balancé un dernier coup de flotte sur les premiers rangs, Damon Albarn s’aligne avec ses musiciens pour le salut final. Le public applaudira encore de longues minutes après que les lumières se rallument. À 46 ans, Damon Albarn prend encore beaucoup de plaisir à partager avec le public parisien toutes ses vies musicales vécues depuis le début des années 90. Toute sa générosité, son talent d’auteur-compositeur ainsi que la diversité de sa culture musicale ont contribué à offrir un spectacle riche et étincelant, ponctuées par de belles surprises.
Chronique : Romain Hemelka – Photos : Emmanuel Wino (www.manuwino.com)